2016 : Annus Horribilis des Addictions

Par le Professeur Amine Benyamina. L’année 2016 en matière de politique a été marquée par un bilan mitigé que l’on peut lire à différents niveaux...

L’année 2016 en matamine_benyaminaière de politique a été marquée par un bilan mitigé que l’on peut lire à différents niveaux.

La politique des drogues et des addictions est en pleine évolution dans le monde. Des pays amorcent de véritables virages mais, dans ce contexte, la France s’en tient à la continuité d’une politique basée à la fois sur la prohibition totale des drogues illégales et la frilosité face aux drogues licites (tabac, alcool) malgré leurs graves conséquences sur la santé publique.

Pourtant, face aux évolutions sociétales et aux progrès des connaissances scientifiques, les acteurs français de l’addictologie ne cessent de modifier profondément leurs conceptions et les modes d’intervention depuis au moins une ou deux décennies. Ce changement de « logiciel » peut se résumer à travers le développement d’une stratégie d’action, dans les soins et la prévention pour toutes les addictions : la réduction des risques et des dommages (RdRD).

Devant ces changements largement méconnus par l’opinion publique et sujets à des polémiques très éloignées des réalités dans le milieu politique, la Fédération Française d’Addictologie (FFA), qui regroupe la totalité des associations professionnelles et des sociétés savantes de l’addictologie, a organisé le 7 et le 8 avril 2016 une Audition Publique sur la RdRD liés aux conduites addictives et en a tiré des propositions d’orientations dans un rapport qui comporte 15 recommandations.

Ce rapport, malgré le sérieux, l’objectivité et la représentativité des acteurs qui y ont contribué, n’a pas encore trouvé l’écho mérité auprès des décideurs politiques. Il arrive après une année qui a vu se multiplier les preuves de la nécessité de réagir face au drame des addictions en France, notamment en ce qui concerne l’alcool.

Dans une étude publiée par l’OFDT le 11 septembre 2015, Pierre Kopp, professeur à l’Université Panthéon Sorbonne, démontre le coût humain et social, ainsi que le poids économique faramineux de la consommation d’alcool sur les dépenses de la nation.

Plus récemment, la Cour des Comptes souligne dans son rapport sur l’alcool intitulé « Les politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool » l’absence de consensus dans les orientations, une action publique qui peine à modifier les comportements, des politiques de santé qui sont mal coordonnées et reposent sur des bases mal établies, et pour finir de préconiser une lutte contre les consommations nocives d’alcool qui devrait être une priorité de l’action publique. Ce rapport est passé quasi inaperçu et pour cause !

Ce énième épisode vient clore une année qui n’est pas à un paradoxe près, puisque la Loi de santé récemment adoptée ouvre la publicité à l’alcool et finit de détricoter une loi adoptée en 1991. C’est un fait, depuis sa promulgation, la Loi Evin n’a cessé de rétrécir comme peau de chagrin, attaquée au fil des circonstances par des amendements successifs, pour finir par être largement vidée de son sens et de son effet.

Si l’on excepte le paquet neutre de cigarettes, seul rescapé du Programme national de réduction du tabagisme (PNRT), que certains estiment être la montagne accouchant d’une souris, nous serions tentés de nommer 2016 « Annus horribilis des addictions ».

Pr Amine Benyamina