TABAC / Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l' e-cigarette...

Voici un extrait de la synthèse d’un travail de recherche très complet effectué par Astrid FONTAINE, Sonia LAUGIER, Fernanda ARTIGAS du Laboratoire de Recherche en Sciences Humaines (LRSH). C’est surement une des meilleures études permettant de comprendre les questions et enjeux que de nombreux vapoteurs se posent actuellement.

Tabac

18565872325_82aed50f7f_bVoici un extrait de la synthèse d’un travail de recherche très complet effectué par Astrid FONTAINE, Sonia LAUGIER, Fernanda ARTIGAS du Laboratoire de Recherche en Sciences Humaines (LRSH). C’est surement une des meilleures études permettant de comprendre les questions et enjeux que de nombreux vapoteurs se posent actuellement.

 

La cigarette électronique n’est pas un épiphénomène

Même si l’engouement remarqué en 2012-2013 s’est ralenti, la cigarette électronique fait aujourd’hui partie du paysage des fumeurs qui cherchent une alternative au tabac et à l’abstinence. Elle ne semble pas en train de disparaître et les tabacologues observent la place grandissante occupée par cet objet dans leurs consultations.

 

Un sujet complexe, une controverse sociotechnique

La connaissance scientifique sur les effets de la cigarette électronique, utilisée depuis moins de 10 ans, n’est pas encore stabilisée. De nombreuses études sont régulièrement publiées, présentant des résultats souvent contradictoires et sur lesquels on ne peut s’appuyer : soit qu’on ne puisse pas les comparer entre eux (du fait des méthodes employées ou des terrains de recherche, le rapport au tabac étant très différent selon les pays), soit que l’on soupçonne de forts conflits d’intérêt, soit encore que les méthodes employées fassent l’objet de critiques telles qu’elles en invalident les résultats.

 

La cigarette électronique s’inscrit dans une double histoire :

  • L’évolution de notre rapport au tabac et sa progressive « dénormalisation ». La dangerosité du tabac est désormais fortement ancrée au sein de la population française et s’accompagne, y compris chez les fumeurs, d’un discours globalement très négatif sur cette pratique.
  • L’histoire de la recherche pour « fumer plus sainement » et pour trouver des alternatives à la combustion du tabac. Depuis plusieurs décennies, les industriels du tabac, mais aussi des particuliers ou des médecins, dans différents pays, ont entrepris d’inventer des dispositifs permettant de diminuer ou de supprimer les aspects nocifs de la consommation de cigarette.

 

Principaux résultats de l’enquête sur les motivations.

D’abord et avant tout une question de santé : le tabac en disgrâce.  Les motivations qui ont conduit les personnes interrogées à s’intéresser à la cigarette électronique sont d’abord et avant tout liées à des préoccupations pour leur santé. Même chez les « gros fumeurs » le tabac est en disgrâce. La cigarette électronique, face à ce tableau, c’est d’abord la perspective de continuer à fumer, mais plus sainement. La toxicité avérée du tabac fumé et la marginalisation progressive de cette pratique rendent d’autant plus attractif ce dispositif.

 

Quatre postures au moment d’expérimenter la cigarette électronique

  • La cigarette électronique est identifiée comme un produit de substitution. Ici, il s’agit clairement de troquer une dépendance contre une autre perçue comme infiniment moins dangereuse, plus pratique, plus acceptable. L’objectif est de continuer à fumer, mais « plus sainement ».
  • La cigarette électronique est envisagée comme un outil de sevrage tabagique. Ici l’utilisateur vise l’abstinence : il s’agit d’arrêter le tabac en le remplaçant temporairement par la cigarette électronique, vouée elle aussi à être abandonnée. Pour certains qui ont réussi le sevrage, elle est aussi utilisée occasionnellement pour ne pas rechuter. Pour d’autres, ce projet n’aboutit pas et la cigarette électronique est abandonnée.
  • La cigarette électronique est considérée comme un moyen de réduire ou de contrôler la consommation de tabac. L’objectif ici est d’alterner cigarette de tabac et cigarette électronique dans une même journée et/ou dans une même semaine, sans désir de mettre un terme à la consommation de tabac.
  • Guidé par la curiosité, l’utilisateur arrête de fumer « par inadvertance ». Certains fumeurs n’ont jamais eu l’intention déclarée d’arrêter le tabac et se sont intéressés à la cigarette électronique avant tout par curiosité pour un phénomène nouveau se déroulant sous leurs yeux. Les témoignages sont récurrents : l’utilisateur semble arrêter le tabac « à son insu ». Il est lui-même surpris de la disparition très rapide de l’envie de fumer, une envie qu’il croyait jusqu’ici incontrôlable : « ça s’est fait naturellement »,

 

Adopter une nouvelle pratique

Pour celles des personnes interrogées qui ont essayé d’arrêter de fumer avant l’apparition de la cigarette électronique, toutes les tentatives se sont soldées par des échecs. De ces expériences elles ne gardent en mémoire que les aspects négatifs : baisse de l’estime de soi, prise de poids, mauvaise humeur, sensation de mal-être, impressions de fournir des efforts démesurés pour « tenir ». Au parcours du combattant que tout fumeur souhaitant arrêter anticipe ou endure, s’oppose le plaisir lié à l’expérimentation d’une nouvelle pratique. La cigarette électronique place l’utilisateur dans une posture totalement opposée à celle adoptée lors d’un sevrage : il ne s’agit pas d’arrêter quelque chose que l’on aime mais de commencer quelque chose, de découvrir de nouvelles sensations.

 

Des usagers livrés à eux-mêmes

Il semble que les échecs (de sevrage ou de diminution) résultent fréquemment d’un manque d’information, de l’absence de « mode d’emploi » de ce dispositif. Il ressort de l’ensemble des entretiens que les utilisateurs de cigarette électronique, déroutés par les informations contradictoires et l’absence de données fiables, se sentent véritablement livrés à eux-mêmes. La position réservée des autorités sanitaires alors que le phénomène a connu une expansion fulgurante, que le secteur se professionnalise (organismes de formation pour les vendeurs…) et se mobilise (associations d’usagers, syndicats de fabricants…), est mal perçue par les utilisateurs rencontrés : le message est incompris ou inaudible.

 

Une porte d’entrée vers le tabagisme ?

Aucun élément dans les témoignages que nous avons recueillis ne peut laisser penser que la cigarette électronique pourrait être une « porte d’entrée vers le tabac » pour les plus jeunes utilisateurs.

 

Pour conclure, le fait que les connaissances scientifiques ne soient pas stabilisées dans ce domaine et que les acteurs, nombreux, impliqués dans la diffusion et la gestion de cet outil, poursuivent des logiques différentes voire opposées, font de ce phénomène une controverse sociotechnique encore difficile à appréhender. Il devrait donc faire l’objet d’une attention particulière, visant à produire des connaissances actualisées, par le biais notamment des méthodes qualitatives.

Consultez l’étude complète ici 

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