"How to sell drugs online (fast)" Une série télévisée de Philipp Käasbohrer
et Matthias Murmann

Autres drogues

Cette série télévisée, diffusée sur Netflix depuis fin mai, nous plonge dans l’univers réel et virtuel d’adolescents allemands dans la petite ville de province de Rinseln… Moritz, jeune lycéen de 17 ans veux reconquérir le cœur de Lisa, qui a bien changé depuis son retour des Etats-Unis et semble désormais plus proche de Daniel le « beau gosse dealer » du lycée. Moritz se présente lui-même comme étant un « geek » en décalage avec les autres élèves qui n’utilisent les nouvelles technologies et réseaux sociaux que pour des raisons futiles proclame-t-il. Moritz a lui de plus grands projets pour pouvoir partir loin de cette ville où il se sent à l’étroit. Avec son grand ami Lenny, qui maitrise l’informatique aussi bien que lui, ils ont un projet de site de vente en ligne de matériels de “gamers“. Mais plutôt que d’approfondir ce projet ambitieux, Moritz décide d’utiliser toutes les économies de leur duo de startupeurs en herbe pour acheter tout un lot d’ecstasy auprès du fournisseur de Daniel, et ainsi pouvoir en procurer à son ex-copine Lisa et attirer à nouveau son attention. L’aventure commence là, avec ce stock d’ecstasy qui reste sur les bras de l’adolescent et dont il doit désormais se débarrasser…

Dans cette série allemande, on a affaire à un monde d’hyperconnexion dont profite allègrement notre héros et dans lequel il semble aussi alaise qu’un poisson dans l’eau… Il décide de créer sur le darknet un site de vente en ligne de ces comprimés d’ecstasy. L’intérêt est bien entendu de se positionner sur un réseau accessible uniquement aux initiés, limitant la traçabilité des connections et échanges commerciaux, et empêchant de remonter à l’éditeur d’origine des données, en l’occurrence le créateur de l’interface d’un site de vente en ligne de stupéfiants, « Mydrugs », ainsi nommé par Moritz. Les acheteurs d’ecstasy peuvent se procurer le produit anonymement et paient en cryptomonnaies comme le bitcoin… Bien entendu, le business est risqué, et les deux jeunes entrepreneurs le savent bien, mais à 17 ans on se croit déjà invincible. Des déconvenues plus ou moins sévères seront fatalement au rendez-vous, la première étant que les comprimés sont visiblement de très mauvaise qualité. Il va donc falloir changer de stratégie, et trouver un autre fournisseur pour garantir la bonne marche des affaires…

Quand ses amis lycéens jouent en réseaux sur le net ou échangent sur les réseaux sociaux et se créent ainsi de nouveaux réseaux « d’amis » virtuels (Que de réseaux dans leur environnement proche!!), Moritz échange lui avec des inconnus sur les forums de satisfaction de son site, et se crée ainsi aussi un nouveau réseau « d’amis », réseau qui lui échappe dans la “vraie vie“. Les ventes s’accumulent certes sur le site Mydrugs mais les risques encourus vont de pair, risques contre lesquels il faut se protéger. Au lieu de cela, Moritz propose à son ami Lenny de se lancer sur le « clearweb », c’est à dire le net ouvert à tous, afin d’élargir ainsi la cible commerciale, et donc les revenus.

Un peu dans le même état d’esprit que dans la fameuse série « Breaking Bad », mais sans aller aussi loin bien sûr, « How to sell drugs online »tente l’approche d’un personnage que rien ne destinait au trafic de drogues mais dont l’ambition dépassera largement les objectifs de départ. A l’image de Mister White de « Breaking bad », Moritz finit par perdre le contrôle de la situation. Quand un accident sérieux de consommation survient par exemple, accident qui touche une de ses amies proches, le lycéen culpabilise certes, mais tente tout de même de se dédouaner en expliquant qu’il n’a jamais dit que les produits étaient inoffensifs et qu’il a fait sa part du boulot d’informations en indiquant sur son site les recommandations d’usage et de réduction des risques…

Dans cette série, la fiction, basée semble-t-il sur une histoire vraie, ne se contentera pas de rester en surface. Des informations sur les produits sont distillées intelligemment et avec humour parfois, sans que la part des risques et dommages potentiels écrase la part des satisfactions recherchées et motivations d’usage et de trafic, à petite ou grande échelle, inhérentes à cet âge si particulier de construction qu’est l’adolescence…

Ce texte est la version courte d’un article paru dans le numéro #06 de le revue DOPAMINE

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