“Narcos Mexico (saison 2)“ - 
Une série Télévisée de Carlos Bernard et Doug Miro

Autres drogues

Les Américains n’ont jamais digéré que l’on torture et assassine l’un de leurs agents méritoires de la DEA, “Kiki“ Camarena, responsable de la découverte de la plus grande plantation de marijuana au Mexique dans les années 80. Le producteur en chef de cannabis et donneur d’ordre de ce barbare assassinat n’était autre que Miguel Angel Félix Gallardo, big boss du cartel de Guadalajara qu’il avait fondé et était devenu, à la fin de la première saison de cette déclinaison mexicaine de la célèbre série Narcos, particulièrement prospère. Les plazas mexicaines, territoires aux mains des cartels mais aussi zones frontalières de transit des stupéfiants vers les Etats-Unis, se sont rendues incontournables pour acheminer la production colombienne de poudre blanche… Félix Gallardo, grand manitou et ordonnateur de la Fédération réunissant ces cartels mexicains, règne désormais sur le business de la cocaïne, plus rentable que le cannabis, et traite en direct avec le Cartel colombien de Cali représenté par un certain Pacho Herrera. Les deux hommes sont partenaires mais prêts à se faire des entourloupes à qui dégainera le premier pour récupérer la plus grosse part du gâteau… 

Mais c’est sans compter sur le désir de représailles de la brigade des stupéfiants américaine qui lance en 1985, à la mort de l’agent Camarena, l’opération Leyenda, figurée dans la série par l’agent Walt Breslin. L’opération vise à mettre hors d’état de nuire le parrain du Cartel de Guadalajara, et en même temps donner un grand coup d’arrêt, utopique bien entendu, au narcotrafic dans la région… 

L’objectif de Félix Gallardo est à présent de mettre la main sur le trafic de la poudre blanche aux Etats-Unis en court-circuitant petit à petit les Colombiens. D’intermédiaire et simple livreur, Félix Gallardo veut devenir maître d’oeuvre et distributeur à part entière dans ce pays des gringos où la communauté mexicaine est bien plus importante que la colombienne. Malheureusement pour lui, il faudra attendre que ses successeurs s’emparent du pouvoir, et que le Cartel de Medellín puis celui de Cali s’effondrent pour que les narcotrafiquants mexicains prennent le relais des Colombiens… Dans cette deuxième saison, Félix Gallardo tente de maintenir un semblant de paix, non seulement en préservant une union fragile entre des chefs de plazas qui essaient chacun de leur côté de tirer la couverture à soi, mais aussi en se mettant dans la poche le parti au pouvoir. En 1988, l’élection truquée du président mexicain, issu toujours d’un même parti, le PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel), parti de mèche avec le narcotrafic, montre à quel point le pays est aux mains des cartels qui y font la pluie et le beau temps… Toujours est-il que les luttes internes au sein de la Fédération feront des dégâts, et aboutiront non seulement à une indépendance des plazas, mais aussi à l’arrestation en 1989 de Félix Gallardo isolé dans une Fédération qui ne ressemble plus à rien. L’empire est si morcelé que recoller les morceaux devient illusoire…

Ces dix épisodes laissent entrevoir les prémisses des guerres intestines à venir, la montée en puissance de la violence dans le pays, celle des hommes qui feront parler d’eux, comme Amado Carillo Fuentes (connu alors pour la flotte aérienne qu’il contrôlait) ou Joaquin “El Chapo“ Guzman (connu pour son appétence pour les tunnels sous-frontaliers), la mise à l’écart des cartels colombiens au profit des cartels mexicains, mais aussi les enjeux plus globaux du trafic de cocaïne dans cette zone Amérique… Les cinq dernières minutes du dernier épisode de la deuxième saison de cette série à succès nous donnent un aperçu de ce qui attendra le Mexique dès le début des années 90. Félix Gallardo vient de se faire arrêter et annonce à l’agent de la DEA qui a passé la saison à tenter de le neutraliser, les réjouissances à venir : « Une avalanche de merde arrive. Personne ne pourra l’arrêter… Le sang va commencer à couler. Ca va être le chaos. Tu verras, quand ils auront ouvert la cage, et laisser sortir les fauves. Vous me regretterez. »… Cette deuxième saison, qui mêle, comme la précédente, fiction et images d’archives, s’achève sur la référence faite à la signature de l’accord de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, accord signé en 1994 qui permettra d’ouvrir les vannes du trafic de cocaïne, de méthamphétamine, d’héroïne, et d’opioïdes entre le Mexique et les Etats-Unis… Pas de raison que le capitalisme mondialisé se passe de biens de grande consommation, tout illégaux qu’ils soient…

Thibault de Vivies
(www.revuedopamine.fr)