Zero,zero,zero : une série sur le trafic de cocaïne de Stéphano Sollima

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Pour ceux qui souhaitent comprendre comment une cocaïne produite en Amérique du Sud, peut se retrouver dans les narines d’un consommateur européen, cette série leur permet de tracer le parcours de cette poudre blanche, de voyager avec elle, et de franchir illégalement les océans et les frontières dans un narco-univers qui inspire toujours autant la fiction, notamment les séries télévisées depuis que “Narcos“, diffusée sur Netflix, fait parler d’elle. Inspirée de la dernière enquête journalistique de Roberto Saviano, titrée “ZeroZeroZero“ (surnom donné à la cocaïne pure) dans son édition d’origine, mais “Extra Pure“ dans son édition française, la série permet de comprendre quels sont les enjeux humains et économiques qui accompagnent une livraison de cocaïne, et nous fait voyager sur quatre continents, via les routes d’acheminement d’un produit dont le trafic est mondialisé…

Ici, les destins de trois principaux acteurs du trafic sont proposés : celui d’acheteurs de la ‘Ndrangheta calabraise ; celui de vendeurs mexicains à la tête d’un cartel qui pourrait être celui “du Golfe“, s’il était nommé, cartel situé dans la région du Nord-Est mexicain ; et enfin celui de transporteurs basés aux États-Unis… L’enjeu : une cargaison de cinq tonnes de cocaïne qui doit partir des côtes du Golfe du Mexique pour être réceptionnée, si tout se passe bien, en Calabre, cette région du Sud-Ouest de l’Italie qui donne un coup de pied à la Sicile. La ‘Ndrangheta, n’a rien à envier à ses deux mafias italiennes rivales, à savoir la Cosa Nostra et la Camorra, et a su se positionner sur ce marché illégal des stupéfiants… Bien entendu le voyage ne sera pas de tout repos et de courte durée. L’Atlantique ne se traverse pas sans risque, les continents non plus, et quand des millions de dollars ou d’euros sont en jeu, les accords passés entre partenaires de deal à grande échelle sont fragilisés. Il ne faudra donc pas moins de huit épisodes pour tenter d’acheminer la cocaïne à bon port… 

En Calabre, Don Minu, patriarche d’une des familles de la ‘Ndrangheta, a l’objectif de commander cinq tonnes de cocaïne en provenance du Mexique, via les transporteurs avec qui il traite depuis bien longtemps et en qui il a confiance. Malheureusement, il devra faire face dans son camp à une nouvelle génération qui veut éviter les intermédiaires, faire fit des accords et bonnes relations du passé, et en profiter pour se débarrasser des encombrants, à savoir les vieux de la vieille dont les affaires reposent sur un respect mutuel des différentes parties prenantes, et un code d’honneur qui ne supporte pas les trahisons… A Monterrey au Mexique, les frères Leyra dirigent un important cartel, et préparent une cargaison de boites de conserve qui cachent les cinq tonnes de cocaïne… A la Nouvelle-Orléans, la famille Lynwood, composée du père Edward, veuf, de sa fille Emma et de son fils Chris, est propriétaire d’une société de transport maritime, et fait l’acquisition d’un porte-conteneurs d’occasion qui doit acheminer les cinq tonnes de cocaïnes en Calabre. Il ne lui reste plus qu’à traverser l’Atlantique… Mais tout va bien entendu se compliquer… 

En Italie, la ‘Ndrangheta est agitée en interne et Don Minu fragilisé par son petit-fils et ses complices qui veulent prendre les reines du pouvoir. Pour cela, ils feront tout pour empêcher que la livraison atterrisse dans les mains de Don Minu… Au Mexique, les frères Leyra veulent s’assurer de leur suprématie, et créent un groupe armé composé d’anciens militaires dirigés par un certain Manuel Contreras qui est venu leur proposer ses services. Le groupe armé, constitué de plus d’une cinquantaine d’hommes, se retournera finalement contre les frères Leyra, ce qui n’est pas sans rappeler les Zetas, ce fameux groupe armé, créé par le Cartel du Golfe, qui se retournera contre son créateur pour prendre en main les zones de transit des stupéfiants vers les Etats-Unis… Du côté des Lynwood, Edward prend une balle suite à une rencontre avec les frères Leyra, et ce sont alors les enfants qui prennent le relais. Le fils Chris embarque sur le porte-conteneurs qui sera malheureusement par la suite dérouté sur Dakar au Sénégal. Les autorités s’emparent de la marchandise, et il faudra mettre à contribution toutes ses relations circonstancielles pour réussir à récupérer la marchandise et lui faire prendre la route qui remontera la livraison en Calabre, via le Mali puis le Maroc. Cela ne se fera pas sans quelques compromis avec des djihadistes, ni sans des pertes humaines, pertes qui semblent malheureusement incontournables quand il s’agit de s’aventurer dans ce narcobusiness inévitablement sanglant…

Cette série de Stefano Sollima, comme l’enquête de Roberto Saviano, va chercher du côté de la complexité des enjeux micro et macroéconomiques, en s’approchant au plus près des dealers de haut vol et de la circulation aussi bien des produits que des liquidités que génèrent, à différents niveaux, les trafics et qui profitent à bien plus d’intervenants, intermédiaires que l’on imagine souvent… Les enjeux d’une reprise de contrôle de ces produits par l’abandon d’une prohibition aveugle et stérile, ne sont donc pas seulement sanitaires, on le sait bien, mais aussi sociaux, économiques et politiques… Sur les affiches promotionnelles, ici et là, une phrase d’accroche accompagne l’affiche de la série : « Suivez la cocaïne, vous comprendrez le monde ». Espérons que cette première saison sera suivie d’autres qui nous permettront d’en savoir un peu plus encore sur ce qui anime le trafic de cocaïne ou autres stupéfiants, les hommes et femmes qui s’y intéressent et sont impliqués de près ou de loin, mais aussi l’incidence et l’influence que tous ces acteurs ont sur la bonne ou mauvaise marche du monde… 

Cet article est paru dans le numéro 15 de la revue DOPAMINE

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