Liens entre PTSD et consommation de substances pendant la première vague de la pandémie de Covid 19

Une étude parue dans Addictive Behaviors Reports

Autres drogues

La santé mentale des populations a été sévèrement affectée par la pandémie du Covid 19. Au Canada, 25% des adultes ont rapporté une santé mentale « mauvaise à passable », contre 8% en 2018. Des troubles du stress post-traumatique (PTSD) ont déjà été signalés en réponse à différentes pandémies. Une revue des études émergentes montre que les facteurs de risque de symptôme de PTSD durant une pandémie incluent le genre, le niveau d’exposition, l’hospitalisation, la perte d’un être aimé, l’isolement social et l’âge avancé.

Cette étude avait pour objectif d’étudier en premier lieu si les adultes qui étaient plus vulnérables face aux impacts sociaux économiques de la pandémie étaient plus à même d’avoir des symptômes de PTSD en lié au Covid 19. Deuxièmement, elle avait pour but d’examiner l’association entre PTSD lié à la pandémie et l’utilisation de substances addictives en fonction des genres. Les personnes isolées et stressées se tournent souvent vers les substances pour atténuer les émotions négatives, or l’alcool et les drogues affaiblissent le système immunitaire et la capacité du corps à faire face aux maladies infectieuses. Des premiers rapports suggèrent une augmentation de consommation plus importante chez les femmes que chez les hommes durant la pandémie. Troisièmement, cette étude cherchait à connaître la proportion d’adulte en Alberta qui pense avoir besoin personnellement d’aide pour l’abus d’une substance, leur niveau de stress et/ou leur santé mentale durant la pandémie.

Cette étude transversale était issue de la base de données en ligne du Canada (Opinion, 2019) de 400 000 membres, démographiquement représentative du pays. La collection de données a été limitée à une province pour avoir une exposition cohérente au Covid 19. Les participants éligibles étaient des adultes vivant hors institution privée en Alberta en juin 2020 et qui n’avaient jamais été diagnostiqués avec un PTSD avant la pandémie. Les données ont été collectées sur une fenêtre de 7 jours en juin 2020 : une invitation à participer à un questionnaire de 15 minutes a été envoyée par mail aux personnes éligibles, jusqu’à obtenir N=1025 participants. L’échantillon final comprenait 933 adultes après avoir retiré les diagnostics de PTSD pré-pandémie (n=49) et les données manquantes (n=43).

En Alberta, les règles de restrictions sociales ont été mises en place pour 6 semaines jusqu’au 1er mai 2020. Les magasins vendant alcool et cannabis étant considérés comme essentiels étaient restés ouverts. Mi-mai, les commerces jugés non essentiels ainsi que des restaurants, garderies et aires de jeux ont progressivement réouverts. Le télétravail a continué. L’éducation de la maternelle à l’université a continué en ligne et les frontières du pays étaient fermées. Le taux de contamination au Covid 19 était en augmentation de mars à avril jusqu’à atteindre un point culminant le 30 avril 2020 avec 2.992 cas soit 68 cas/100 000 habitants d’Alberta, avec un taux d’hospitalisation de 4.5% et 2% de décès. Lors de la collecte de données en juin 2020, l’épidémie était en diminution avec moins de 400 cas actifs la première semaine de juin. À partir d’avril, toutes personnes sans emploi pouvaient bénéficier de 2000$/mois pour limiter l’impact économique sur la population.

Le questionnaire recherchait si le participant avait un diagnostic de PTSD avant la pandémie, et évaluer les symptômes de PTSD récent grâce aux critères diagnostic du DSM5. Un seuil de 3 points différenciait ceux avec un haut ou un faible taux de symptômes de PTSD associé au Covid 19. Le questionnaire recherchait une consommation de cannabis ou d’alcool dans le mois passé et son évolution. Trois questions ont été posées aux participant, d’une part, s’ils souhaitaient changer leur niveau de stress, d’autre part, leur santé mentale et enfin leur consommation de substances, et si oui, grâce à quel soutien souhaitent-ils faire ces changements, suivi d’une liste de propositions : soutiens amicaux, de la part du médecin généraliste, d’un psychologue, d’un mentor spirituel ou religieux, d’un coach de vie, autre ou aucun soutien. Les co-variables utilisées étaient : catégorie d’âge, genre, éducation, statut marital, revenus. Il était recherché si les participants avaient perdu leur emploi à cause du Covid 19, s’ils avaient contracté le virus et s’ils pensaient le contracter dans l’année qui suivait.

Les résultats montrent qu’aucun participant n’a été infecté par le Covid 19. Plus de femmes que d’hommes (19% vs 13%) ont rapporté un taux élevé de symptômes de PTSD liés à la pandémie, alors qu’autant (13.4% vs 13.2%) ont rapporté une augmentation de leur consommation de substances. Les adultes de 18-35 ans, ceux qui pensaient qu’ils seraient infectés par le virus et ceux avec de faibles revenus, une perte d’emploi ou un bas niveau d’éducation, étaient plus à risque de développer un PTSD lié à la pandémie. Une forte symptomatologie de PTSD était associée à une augmentation significative de la consommation de substances chez les femmes (OR = 2,2) et les hommes (OR = 2,3) dans les modèles ajustés. De nombreux adultes (50 % des femmes, 40 % des hommes) ont déclaré vouloir diminuer leur niveau d’anxiété, diminuer leur consommation de substances ou améliorer leur santé mentale. La majorité a noté avoir besoin du soutien de leur amis en premier lieu, puis de leur médecin de famille et d’un psychologue. Il n’y avait pas de différence statistique en fonction du genre et du type de soutien requis.

Ces résultats contrastent avec une étude récente où l’âge était un  facteur de risque d’augmentation de symptômes de PTSD (Boyraz & Legros, 2020), en effet la tranche d’âge 18-35 ans présentait ici la plus forte association, la deuxième étant la croyance d’être infectée dans l’année à venir. A l’inverse des données australiennes, le genre n’influençait ici pas l’évolution de la consommation de substances. Enfin, ces résultats suggèrent que les interventions sur les consommations de substances lors de pandémie nécessiteraient de prendre en compte et de traiter les symptômes de PTSD.

Par Marie-Lou DESSUS, Interne en Psychiatrie à Lyon

Relecture : Pr Benjamin ROLLAND

Article original