Essai / “Les drogues et la guerre“ de Eukasz Kamienski

 

Les drogues et la guerre ont toujours fait bon ménage, ou du moins elles n’ont jamais cessé de se côtoyer. Les drogues ont toujours accompagné les soldats pour leur donner du courage, leur faire oublier la faim et le sommeil, soulager leurs souffrances physiques et psychologiques, échapper un temps aux réalités des affrontements guerriers, évacuer l’ennuie, et enfin animer leurs troisièmes mi-temps même s’il est bien entendu difficile de comparer des combats guerriers à des sports de combat. Il suffit d’entendre les témoignages de soldats pour comprendre que les risques sanitaires associés à la prise de psychotropes ne pèsent pas lourd face à la violence de ces combats et aux risques mortels immédiats encourus.

L’auteur polonais de cet essai, professeur associé à la faculté d’études internationales et politiques de l’Université Jagiellonian de Cracovie, nous raconte sans jugement malvenu, la place que les psychotropes ont occupé dans les guerres qui ont animé l’histoire de l’humanité, de l’antiquité jusqu’à nos jours. Ces drogues ont été consommées au front avec la complicité plus ou moins affichée des cadres militaires qui ont toujours eu intérêt à ce que les soldats soient à même de poursuivre leur mission jour et nuit sans rechigner, et qu’ils puissent soulager au plus vite leurs douleurs pour retourner au combat en mettant de côté des traumatismes qui ne manqueront pas de refaire surface de retour au bercail. L’objectif ayant toujours été de tenter de faire des hommes des surhommes dopés, prêts à tout pour affronter l’ennemie et le neutraliser sans état-d’âme, sans stress, et sans peur de mourir.

Aucun psychotrope connu n’a déserté. Ils ont tous été, à un moment ou à un autre de l’histoire, partie prenante dans les combats. Ils ont prix leur part de travail sans faiblir. Leurs noms, bien connus : champignons hallucinogènes, coca, cannabis, alcool, amphétamines, LSD, cocaïne, crack, opium, laudanum, héroïne, pervitine, captagon, etc…

Des guerriers de l’Iliade et de l’Odyssée aux combattants modernes, en passant par les soldats de Napoléon, l’armée chinoise combattant contre les britanniques au temps des guerres de l’opium, les soldats des grandes guerres sanglantes du XXème siècle, les finlandais luttant contre l’Armée Rouge, soldats de Sierra Leone ou du Liberia pendant les guerre civiles, ou encore les djihadistes de l’état islamique, aucun affrontement n’a été exempt de petits ou grands remontants, d’anesthésiants, antalgiques ou hallucinogènes.

Cet essai nous racontent comment les soldats se sont volontairement appropriés tous ces produits, ou comment il leur ont été administrés sous pression de leur hiérarchie, quelque soit leur âge, même celui où on est bien trop jeune pour se mêler aux bagarres des grands.

On comprend à la lecture de cet ouvrage, chargé d’histoire et riche en informations, qu’il est difficile d’imaginer qu’une guerre puisse se passer de psychotropes. Qu’ils soient légaux ou illégaux, ils ont des fonctions bien définies et accompagnent les soldats dans leur mission. Sans mettre de côté leurs mauvais côtés, il faut reconnaître que leurs vertus sont loin d’être négligeables, et il serait malhonnête de penser que la balance des bienfaits et des méfaits penche systématiquement du côté obscur de la force quand on parle d’équilibre psychologique et sanitaire d’une vie au combat…