Essai / “Stupéfiants “ de Emmanuelle Retaillaud

 

Si cet ouvrage, publié aux Editions Textuel, est sous-titré “L’imaginaire des drogues. De l’opium au LSD“, c’est qu’il nous plonge au coeur de l’imagerie des œuvres artistiques, littéraires et cinématographiques en partie responsables des représentations qui se sont construites au fil du XIXème siècle et dans la première partie du XXème siècle autour des drogues et de leurs usages.

L’auteur est historienne, et a regroupé ici une somme importante d’affiches, de couvertures, d’illustrations, de publicités et de partitions musicales qui mettent en avant des stupéfiants et leurs consommateurs. Cet ensemble est issu d’une collection privée et traverse un siècle et demi d’images qui façonneront en partie l’idée que l’on se fait encore aujourd’hui de certains produits en ne mettant en avant que le côté obscur de leur force, source de peurs ou de fascinations collectives dans une culture occidentale qui s’empresse de rendre le plaisir toujours un peu suspect. Reprenons un extrait de la quatrième de couverture qui situe bien la problématique : “Depuis la fascination trouble pour le Chinois opiomane, jusqu’aux volutes colorées des premières expériences psychédéliques, en passant par la séduction vénéneuse des dancings où le public interlope sniffe discrètement des « poudres folles », cette iconographie à la beauté « stupéfiante » nous dévoile les coulisses d’une étrange « usine à rêves » où la tentation se doit de demeurer purement visuelle, sous peine de franchir l’invisible frontière qui sépare les paradis artificiels de l’enfer de la toxicomanie.“ D’où cette sensation, après avoir refermé l’ouvrage, d’avoir traversé un champ psychoactif d’images subliminales dont on peut aisément comprendre la portée au fil des décennies, avec des discours qui se sont progressivement orientés vers une condamnation sans appel de certains produits, mais pas tous, ceux du moins que l’occident a choisi de bannir, pour mieux consommer les autres tout autant source de plaisirs que de dangers. Bref !

Sept grandes parties sont distinguées dans cet ouvrage. La première est titrée “Fascination de l’ailleurs“ et s’intéresse à la curiosité de l’occident pour des contrées lointaines, pourvoyeuses de psychotropes comme l’opium asiatique ou le chanvre indien qui transportent avec eux un certain nombre de rituels et d’outils étranges, fascinants mais aussi parfois inquiétants. Des stéréotypes, qui auront la vie dure, se mettent en place, stéréotypes qui, assez vite, tendent vers la condamnation d’usages et de populations que l’on connaît peu. La deuxième partie est titrée “Les occidentaux et l’opium“ et nous raconte comment l’occident a fini par s’approprier l’opium, d’abord à usage thérapeutique, puis à usage récréatif. La troisième partie est titrée elle “Un reste d’innocence“ et nous explique comment des plantes comme le chanvre, le pavot et la coca continuent malgré tout, jusqu’à la fin du XIXème siècle, à avoir bonne presse, avant que le XXème siècle condamne ce qu’on appelle “les poisons modernes“ comme la morphine, la cocaïne et l’héroïne, objets de la quatrième partie. La seringue fait peur et accompagne toute l’imagerie diabolisante autour des produits. La cinquième partie, titrée “Effets et fantasmes“ s’intéresse aux récits des paradis artificiels. La sixième partie, “Variétés“, nous plonge dans la culture populaire qui place les drogues et leur trafic à toutes les sauces des drames, crimes et corruptions diverses. La dernière partie ne nous offre que quelques images autour des “Nouveaux trips“ des années 60 où les substances psychédéliques comme le LSD prennent le pouvoir…

Il serait dommage de se priver d’une iconographie qui a une place, loin d’être négligeable, dans l’histoire des drogues et de leurs représentations.

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