“Have a good trip“ - Un voyage psychédélique 
- Un documentaire de Donick Cary

Autres drogues

Il est souvent difficile de mettre en mots les expériences vécues sous psychédéliques. Ces expériences sont si différentes d’un usager à l’autre en fonction de ce que certains spécialistes nomment le “Set and setting“, à savoir l’état d’esprit du moment et l’environnement, qu’il est compliqué de déterminer de façon précise quels sont les effets de ces psychotropes, du moins de poser des généralités. On peut tout de même en savoir un peu plus et se faire une idée de ce à quoi l’on peut s’attendre. Et pour cela rien de mieux que de s’adresser aux usagers eux-mêmes, recueillir leur témoignage, leur récit de vie sous psychédéliques, que ce soit des usagers réguliers, occasionnels, ou très occasionnels. C’est ce que nous propose ce documentaire tout en couleurs et animé, en grande partie, car quand les mots ne suffisent pas à nous faire entrer dans ce monde psychédélique, les dessins animés (ou court-métrages) proposés peuvent illustrer les expériences. Elles peuvent nous donner le ton en tentant de dépasser les représentations convenues et souvent très négatives présentes dans les campagnes de “prévention“ qui se contentent de présenter le versant obscur en glissant sous le tapis les effets positifs ressentis par les consommateurs… Mais pas question non plus dans ce documentaire de faire l’apologie de ces psychédéliques et de ne les présenter que sous un jour favorable. L’équilibre entre effets positifs et négatifs se dessine au fur et à mesure du documentaire… Les personnalités consultées ici sont nombreuses mais essentiellement originaires du milieu artistique. Deepak Chopra (auteur), Sting (musicien), Judd Nelson (comédien), Carrie Fisher (comédienne), Anthony Bourdin (chef cuisinier), Donovan (musicien), Rosie Perez (actrice), Ben Stiller (acteur), ou Zach Leary (fils de Timothy Leary), pour les plus connus, prendront la parole de manière éparse pour alimenter différentes thématiques…

Les produits dont il est question ici font partie de la famille des hallucinogènes. Il sera question essentiellement de trip sous peyotl (cactus), quaaludes, psilocybes, sauge divinatoire, et surtout LSD. Mais d’autres substances, comme l’ayahuasca (qui contient de la DMT), altèrent aussi les sens de manière à modifier la perception de la réalité. Les illusions ou hallucinations seront plus ou moins importantes en fonction bien entendu de la quantité de produit ingéré et de la dose de produit actif qu’il contient. Par ailleurs, ces produits étant pour l’essentiel ingérés, il faut tenir compte du décalage entre le temps de la prise et le temps des effets… Voici pour la forme, mais en ce qui concerne le fond, c’est-à-dire le contenu des “visions“, il y en aura autant qu’il y a d’usages. Chaque usager pourra donc, pour chaque usage, décrire une expérience différente, en tentant de reconstruire ses souvenirs comme on essaie de rassembler ses rêves au réveil. On nous parle ici de brins d’herbe qui parlent, d’arbres qui nous font signe en rythme, d’un univers qui s’ouvre brusquement sous nos yeux, d’une mousse de chocolat chaud qui prend vie, d’un vol au-dessus de la ville, d’un voyage dans l’espace, d’une douche rituelle de sang de biche au sommet d’une montagne sacrée, d’un gland qui prend vie et chante, de transformation en monstre joyeux des algues de mer, d’une balade dans les champs de blé des peintures de Van Gogh, d’une éjaculation arc-en-ciel, ou d’un parquet de boîte de nuit qui se transforme en mer agitée, des exemples parmi d’autres… Il est question aussi souvent dans ces trip reports de révélation, celle d’une nouvelle réalité, d’un nouveau rapport à soi, au monde et à la nature. Sting, comme tant d’autres, parle plus précisément de dissolution de l’ego, de ne faire qu’un avec la nature. Il est question souvent de se sentir faisant partie d’un tout, d’être en connexion totale avec Mère Nature et ses sujets, ou avec le monde entier. L’expérience est souvent présentée comme étant unique et peut modifier en profondeur son mode d’interaction avec son entourage et avec les éléments matériels et naturels environnants. 

Malheureusement, tout n’est pas toujours merveilleux dans le meilleur des mondes sous psychédéliques. On ne peut se contenter de décrire les bons moments sous effet, et oublier les mauvais associés aux risques de bad trip… Sans aller jusqu’à insister sur les références bien trop nombreuses aux défenestrations. Références qui pullulent exagérément dans l’imaginaire collectif suite aux différentes campagnes de dissuasion, on peut tout de même entendre les récits de mauvaises expériences qui ont à voir avec des sensations ou visions désagréables, des comportements déviants, ou des crises de panique… Quelques conseils de réduction des risques sont proposés alors dans le documentaire. En voici une liste, non exhaustive bien entendu : ne pas conduire sous LSD / Eviter de se regarder dans un miroir / Trouver un cadre sécurisant / Eviter un entourage malveillant / Eviter les usages quand on ne se sent pas bien psychiquement / Avancer progressivement dans les dosages… Pour que le voyage en vaille la peine, et soit agréable, Sting propose, lui, par exemple de décider d’un objectif positif à atteindre grâce à l’usage, et de ne pas rechercher la défonce pour la défonce… A chacun de préparer ses valises comme il l’entend pour que l’expérience soit constructive et bénéfique…

Pour prendre un peu de distance avec tous ces récits sous psychédéliques, récits qui s’enchaînent et parfois tournent en rond, le documentaire va aussi s’intéresser aux points de vue et recherches de scientifiques comme le Dr Charles Grob, professeur de psychiatrie qui étudie, et c’est loin d’être le seul, les bienfaits des traitements hallucinogènes sur différentes affections psychiques. Depuis quelques années en effet, des recherches menées aux Etats-Unis, dès les années 50 mais malheureusement avortées suite à la prohibition des substances, reprennent depuis quelques années avec des autorisations accordées par la FDA (Food and Drug Administration). Ces recherches portent sur les bénéfices potentiels des psychédéliques dans le traitement de la dépression ou des addictions par exemple… Espérons alors que ces substances ne seront pas à nouveau victimes de stigmatisation comme elles l’ont été dans les années 60, que toutes les études seront menées à leur terme sans entrave, et que les résultats qui commencent à émerger seront suivis de mise en place de protocoles sérieux durables, protégés et soutenus par les pouvoirs publics… Affaire à suivre donc…

Thibault de Vivies

Consulter en ligne