“La guerre des cartels“, un ouvrage de Thierry Noël

Autres drogues

Au Mexique ce sont en moyenne, d’après l’ouvrage de Thierry Noël, publié aux Editions Vendémiaire, 2 500 homicides volontaires qui sont comptabilisés chaque mois, dont une très grande part est le fait des organisations criminelles. Alors comment en est-on arrivé là ? Ce que nous propose l’ouvrage, ce sont trente ans de l’histoire d’un trafic qui n’a pas toujours été aussi mortifère qu’aujourd’hui mais dont le nombre de morts n’a fait que grandir au fur et à mesure de son développement. Alors bien entendu, même si le coeur du trafic au Mexique se situe entre les années 90 et les années 2010, l’ouvrage fait un retour en arrière dès les années trente où un embryon de milieu trafiquant voit le jour dans cette région montagneuse mexicaine à cheval sur trois états, celui du Sinaloa, du Durando et du Chihuaha. Cette région est qualifiée de “triangle d’or“ et est traditionnellement cultivatrice de cannabis et de pavot, fleur à opium… Il faudra attendre la fin des années 50, et surtout les années 60, pour voir la demande américaine s’envoler, notamment celle de marijuana. Les petits avions remplacent les mules pour franchir une frontière déjà poreuse… A la fin des années 60, l’Amérique s’inquiète de cette consommation de marijuana associée à la contre culture et au peuple mexicain qui lui fournit ses substances psychoactives. Le président Nixon lance alors sa guerre à la drogue, et c’est parti pour une lutte sans merci contre ce qui est proclamé ennemi numéro un, à savoir “the drug abuse“, l’abus de drogue… La guerre est déclarée et se poursuit encore aujourd’hui en essayant de faire croire au monde entier que des saisies et des arrestations en cascades suffisent à tarir le trafic et à réduire la consommation de drogues. Bien entendu, ces discours passent de moins en moins…

Des noms importants, dont celui de Miguel Angel Félix Gallardo, prendront en main les reines du trafic de cannabis et d’héroïne, en attendant que la cocaïne fasse son apparition. Des accords se nouent au début des années 80 entre les Colombiens qui produisent et les Mexicains qui leur ouvrent de nouvelles routes… Des couloirs d’acheminement de la marchandise, que constituent des villes comme Tijuana à l’ouest de la frontière, Matamoros et Nuevo Laredo à l’Est, ou Ojinaga et Ciuada Jarez au centre, vont devenir des places fortes que les cartels, qui feront leur apparition par la suite, vont dans un premier temps se partager pour enfin se battre entre eux et tenter de les conserver ou les conquérir… La suite ne sera alors que luttes armées entre cartels dont les forces grossissent en même temps que le trafic se développe. Les gouvernements tenteront de mettre à mal les principaux trafiquants, dont le fameux Joaquin El Chapo Guzmann, mais ne feront qu’agraver la violence inhérente aux prises de marché et à la lutte contre le trafic… Tout ce remue-ménage mortifère, qui se poursuit de nos jours, n’empêche en rien la cocaïne, mais aussi l’héroïne et la méthamphétamine, de parvenir aux Etats-Unis et d’être consommées par des usagers en nombre. Tant qu’il y aura de la demande, l’offre suivra. Un trafiquant mort ou arrété, en annonce un autre… Bien entendu, des voix plus ou moins fortes se font entendre pour tenter de faire réagir les autorités politiques mexicaines. Certains groupes d’auto-défense se constituent, mais sont repris par le gouvernement ou d’autres groupes armés… On ne s’en sort plus. On ne s’en sortira pas tant que des décisions pragmatiques au niveau national ou international ne verront pas le jour…

Cet article est la version courte d’un texte paru dans le numéro 6 de la revue mensuelle DOPAMINE

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