“Le cannabis médical, une nouvelle chance“ - 
Un ouvrage du Dr Pascal Douek - 
Editions Solar

Cannabis

Le cannabis continue d’aimanter tous les antidrogue en quête d’un bouc émissaire pour contrer les batailles passées, présentes et à venir des antiprohibitionistes. On lui aura mis sur le dos tous les méfaits de “La Drogue“ en prenant bien soin de taire ses vertus et les millénaires d’usages thérapeutiques… Et s’il était temps qu’il prenne sa revanche et s’impose comme une alternative thérapeutique crédible dont les vertus ne sont plus contestables ? La très grande majorité des pays européens ont passé le cap et ont changé de paradigme concernant les représentations attachées à la fameuse plante verte. La France, même si elle reste à la traîne, n’est plus absente des débats depuis qu’une loi du 25 octobre 2019 autorise une expérimentation de deux ans de l’usage médical du cannabis. Même si cette expérimentation est bornée, elle représente une avancée non négligeable qui, espérons-le, ne sera pas tuée dans l’oeuf. Et même si, comme le craignent les prohibitionnistes tenaces, la légalisation du cannabis médical n’était que le cheval de Troie d’une légalisation du cannabis à usage récréatif et plus tard d’une légalisation d’autres stupéfiants, nous ne pourrions alors que d’autant plus l’encourager puisqu’elle va dans le bon sens et permet ainsi une plus grande reconnaissance des bienfaits tout en contrôlant au mieux les méfaits. Affaire à suivre donc… Il faudra malheureusement attendre fin 2020 ou début 2021 pour que trois mille patients atteints d’épilepsie, de sclérose en plaques, de cancers, en soins intensifs ou souffrants de douleurs chroniques rebelles aux autres traitements, puissent bénéficier du potentiel thérapeutique d’une plante dont la complexité va bien au-delà de la simple euphorie ou détente qu’elle peut procurer. S’intéresser à ce potentiel thérapeutique, c’est aller plus loin que les médicaments extraits de la plante que sont le Sativex®, l’Epidyolex® ou le Marinol®, et jouer avec les différentes variétés pour en tirer un maximum de bénéfices pour un minimum d’effets secondaires… 

En attendant la fin de l’année, il est encore temps de s’engouffrer dans l’ouvrage de ce médecin d’une soixantaine d’années, atteint depuis 2012 d’une sclérose en plaques (futur expérimentateur et membre du comité scientifique spécialisé sur le cannabis médical) pour obtenir des réponses, loin d’être évidentes, aux multiples questions qui se posent concernant cette “nouvelle chance“ qui se présente aux malades. La plupart d’entre eux ont oeuvré jusqu’à présent dans l’illégalité pour tenter de simplement soulager, bon an, mal an, leurs douleurs en trouvant des alternatives aux traitements traditionnels inopérants chez eux… Le cannabis médical, rappelle le Dr Pascal Douek, ce sont cinq mille ans d’histoire qui sont l’objet de la première partie de l’ouvrage. La plante a traversé les continents et les siècles, et a su se distinguer. En Chine, au troisième millénaire avant J.C., la plante était citée dans un traité des plantes médicinales, et on y faisait même, déjà à l’époque, la distinction entre cannabis psychoactif et cannabis non psychoactif efficace par exemple contre les rhumatismes, la goutte, le paludisme, la constipation ou les règles douloureuses. Les Indiens et les Egyptiens ont su aussi dans les deuxième et premier millénaires avant J.C. faire usage de la plante pour, par exemple, lutter contre la douleur, l’épilepsie, les troubles oculaires ou l’anxiété. La Grèce et la Rome antique ont pris le relais… La France a, elle, découvert le hachich grâce à Napoléon durant ses campagnes égyptiennes, et grâce à des médecins comme Jacques-Joseph Moreau de Tours qui ont su le populariser au XIXème siècle… Malheureusement, des applications médicales mal maîtrisées et des campagnes de dénigrement de la plante pour ses effets inappropriés sur les comportements, et ses risques identifiés d’un usage régulier intensif, ont terni son image et ouvert la voie à une prohibition qui s’est imposée progressivement dans le courant du XXème siècle. Le cannabis sera alors retiré de la pharmacopée, au détriment des opiacés, et sera même classé dans le tableau des stupéfiants ne présentant aucun intérêt thérapeutique. Il faudra attendre la fin du XXème siècle, avec la légalisation du cannabis à usage médical en Californie en 1996, mais surtout le début du XXIème pour que la route soit tracée d’une légalisation qui commencera au Canada en 2001… 

Les autres parties de cet ouvrage nous permettent de comprendre tout d’abord les bases du cannabis médical, son fonctionnement, ses propriétés, son intérêt, et ses modes de consommation. Il s’agit déjà de bien distinguer les différentes espèces de cannabis. L’indica, le sativa et le ruderalis n’ont pas les mêmes propriétés et des croisements sont souvent nécessaires pour retirer tout le potentiel de la plante. Le système endocannabinoïde de notre système nerveux central permet d’accueillir les molécules actives du cannabis qui peuvent alors agir sur l’organisme. Le THC et le CBD sont les deux principaux cannabinoïdes à être associés pour le meilleur de l’aventure neuronale… Le parcours politique qui aboutira à l’adoption de cette loi d’octobre 2019 autorisant le cannabis médical, du moins son expérimentation, fut loin d’être apaisé à défaut d’avancer toujours dans la bonne direction. A ce jour, le cadre de l’expérimentation est bien fixé. Les patients concernés et les catégories éligibles ont été identifiés. Les douleurs ou pathologies indiquées pour bénéficier des traitements ont été actées légalement. Les modalités de l’expérimentation ont également été définies. Il ne reste plus qu’à lancer la machine… Bien entendu, un certain nombre de risques associés à cette expérimentation ont été identifiés, et il est important qu’ils soient prévenus et réduits au mieux. Les contre-indications, comme l’usage pendant la grossesse ou l’allaitement par exemple, mais aussi les précautions d’emploi, comme éviter les interactions avec d’autres produits psychoactifs ou la conduite automobile, ne doivent pas être ignorées… Bien entendu, même si la loi est en quelque sorte, en l’état et dans l’immédiat, restrictive quant aux applications possibles du cannabis médical, des indications potentielles sont listées dans l’ouvrage. Par exemple : le syndrome de Gilles de La Tourette, celui de stress post-traumatique, la maladie de Parkinson, la dystonie, la fibromyalgie, l’endométriose, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, le glaucome, le traitement du sida, et des addictions… Un certain nombre de pays dans le monde ont déjà étendu leurs indications concernant le cannabis à usage médical. L’ouvrage propose un tour du monde des pays ayant passé le cap de l’expérimentation et ayant légalisé pour de bon le cannabis médical, avec des modalités différentes et des enseignements loin d’être dénués d’intérêt bien évidemment. La France pourra donc largement s’inspirer de ces expériences étrangères et avancer à l’avenir, au-delà de cette expérimentation, dans une direction qui finira, espérons-le, par créer un consensus dans le corps médical…

Thibault de Vivies

(Cet article paraîtra dans le numéro 17 de la revue DOPAMINE – www.reveudopamine.fr)

Consulter en ligne