“Mais vous êtes fous“ Un film de Audrey Diwan

Si ce film, sur les écrans de cinéma depuis le 24 avril, est bel et bien inspiré d’une histoire vraie, difficile de ne pas être estomaqué par le traitement infligé au consommateur, en l’occurrence un père de famille, mis au banc des accusés sans ménagement pour une faute considérée comme particulièrement grave… A aucun moment il ne sera question malheureusement de relativiser, d’essayer de prendre le recul nécessaire pour éviter que les choses s’aggravent… On ne pardonnera rien dans cette histoire à ce père de famille. Sa bonne foi sera ignorée ou du moins questionnée jusqu’au bout de la procédure, et les aprioris de suspicions d’empoisonnement volontaire de ses enfants persisteront…

Roman et Camille vivent leur vie de famille confortable et paisible avec leur deux petites filles en bas-âge. Les deux parents travaillent et s’occupent à tour de rôle de leurs enfants. La mère c’est plutôt le matin avant l’école, et le père c’est plutôt le soir après sa journée de travail de dentiste. C’est lui qui va chercher ses filles à l’école, donne le bain, et prépare le repas… La petite famille semble avoir trouvé son équilibre, malgré un père qui consomme apparemment quotidiennement de la cocaïne en poudre, soit à son cabinet, soit à la maison, mais discrètement sans que personne n’ait rien remarqué. Cet usage chronique ne semble pas avoir d’impact sur cette vie de famille heureuse pour tous ses membres, grands et petits… Mais une nuit, une petite fièvre de la dernière, Bianca, se transforme en crise d’épilepsie. La petite fille est amenée aux urgences où une batterie de tests sanguins et urinaires sont faits et révèlent des traces de cocaïne dans les urines…

Roman avoue à sa femme qu’il consomme de la cocaïne quotidiennement et depuis des années… Si leur petite fille Bianca a absorbé ce produit c’est qu’il était présent dans la maison… Une seconde batterie de tests, capillaires eux, seront faits sur l’ensemble des membres de la famille, et révéleront une présence de cocaïne dans les cheveux de Camille et de sa fille aînée, ce qui laisserait à penser qu’il s’agit d’une intoxication non pas accidentelle mais régulière et de longue durée. Ces traces de cocaïne suffisent à suspecter le couple, et notamment le père, d’avoir volontairement « drogué » leurs deux filles. Roman risque gros, à savoir une destitution du droit parental, et même la prison ferme…

Toujours est-il que la machine judiciaire se met en branle et ne perd pas de temps. Le procureur, la brigade des mineurs, et l’aide sociale à l’enfance prennent immédiatement des mesures d’éloignement des deux parents pour protéger les deux filles qui sont placées chez leurs grands-parents. Leur mère a le droit de visite, mais pas leur père. On conseille à Camille, si elle veut pouvoir récupérer ses filles un jour, de se désolidariser de son compagnon. Roman va donc devoir quitter le domicile conjugal en attendant de prouver qu’il n’a jamais voulu empoisonner ses filles… Un nouvel expert est mandaté par l’avocate pour étudier le quotidien de la famille et analyser tous les gestes du père quand il s’occupe de ses enfants… En attendant d’arriver à des conclusions positives et de bon sens, Roman tiendra le coup et ne perdra pas pied. Il s’est apparemment sevré sans aide extérieure… Il n’essaie pas de trouver des explications ou des excuses à sa consommation. Il veut juste s’en défaire pour retrouver ses filles… Malheureusement, on laisse ici Roman à sa problématique, et seul l’aspect judiciaire semble compter…

Camille, encore très amoureuse, et malgré les discours moralisateurs de ses parents et ceux d’une de ses amies proches, ne veut pas condamner Roman… Mais, malgré la résolution heureuse de l’enquête, la confiance a été rompue du côté de Camille qui n’arrivera pas à surmonter ses angoisses maternelles d’une potentielle nouvelle exposition de ses filles au produit. Elle n’arrive plus à chasser ses doutes…

Ici encore le poids des représentations sur la cocaïne (ou toutes autres drogues illégales d’ailleurs puisque que le mot « drogue » est lancé sans qu’il soit fait semble-t-il de distinction entre les produits), avec les a priori qui les accompagnent, est encore très lourd et verrouille toute tentative de compréhension et toute envie d’accompagnement apaisé et non stigmatisant…

 

Ce texte est la version courte d’un article paru dans le numéro #05 de le revue DOPAMINE

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