Récit / “Addict“ de Marie de Noailles

Marie de Noailles est une jolie femme d’une quarantaine d’années née avec une cuillère en argent dans la bouche comme on dit. Cette seconde fille du duc et de la duchesse de Noailles veut nous montrer, si besoin était, qu’il n’y a rien de plus démocratique que l’addiction, et que faire partie d’une famille aisée, unie et aimante n’est pas l’antidote contre toute forme de dépendance aux psychotropes.

Il a fallu attendre la mort de sa mère pour que Marie décide que ce soit le bon moment de raconter dans un court récit son parcours de consommations et de tentatives de sevrage.

Ca commence à treize ans par les premiers joints qui semblent lui faire un bien fou. Son manque de confiance en elle, sa timidité, son hypersensibilité, son besoin de remplir le vide affectif qu’elle ressent, sont anesthésiés par le produit. C’est pour elle une expérience fondatrice.

A quatorze ans, c’est le premier comprimé d’ecstasy pris avec des copains, puis s’enchainent les soirées jet set des nuits parisiennes et les prises de produits qui permettent à Marie de vivre les rencontres sans complexe et plus intensément. Alcool, cocaïne, héroïne accompagnent un parcours de poly-consommation de quinze ans, parcours qui compte presque autant de changements d’établissements scolaires que de lieux de cure qui ne lui réussissent pas, jusqu’à cette dernière chance qui lui est donnée d’être accueillie dans un centre en banlieue de Bristol en Angleterre, centre qui prône la méthode “Minnesota“. Cette méthode repose sur une prise en charge et un accompagnement par les pairs, ou du moins par d’ex-consommateurs addicts désormais sevrés, devenu éducateurs, psychologues ou médecins. Elle propose un programme calqué en partie sur les douze étapes des Alcooliques ou Narcotiques Anonymes, et revendique comme seul objectif réaliste une abstinence totale à vie, avec cette idée remise en cause depuis quelques années déjà du fameux dogme : “addict un jour, addict toujours“.

Quoiqu’il en soit, à 29 ans, après six mois dans ce centre, Marie réussit à se sevrer totalement. C’est pour elle une deuxième naissance. Elle se reconstruit, reprend des études et devient psychothérapeute spécialiste des addictions, ceci pour aider à son tour les personnes en difficulté avec un ou des produits. « Je m’appelle Marie, j’ai deux anniversaires et une seule vie. Que j’ai failli perdre et choisi de sauver. Je suis née deux fois. »

Le récit écrit en collaboration avec la journaliste Emilie Lanez, est loin d’être larmoyant et diabolisateur. Marie de Noailles explique aussi bien les moments de bien-être sous effets des produits, les bonnes sensations, que toutes les douleurs psychologiques et physiologiques dues à la descente, aux symptômes du manque, à la honte ressentie, au regard des autres, au mode de vie, etc…

On peut seulement regretter que Marie de Noailles, qui pensent avoir fait le tour des cures et hôpitaux, proclame dans les entretiens qu’elle donne, qu’en France on s’y prend mal avec les consommateurs en demande de soin et qu’on les culpabilise. C’est faire peu de cas de l’état d’esprit et du travail réalisé depuis des années dans les communautés thérapeutiques, les centres thérapeutiques résidentiels ou les CSAPA (Centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie), centres qui intègrent d’ailleurs de plus en plus de travailleurs-pairs.

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