Récit / “L’écart“ de Amy Liptrot

Alcool

Ce récit de Amy Liptrot, publié aux Editions du Globe, nous raconte le parcours d’alcoolo-dépendance puis de sevrage d’une jeune écossaise d’une trentaine d’années, allée “s’éclater“ à Londres à l’âge de dix-huit ans pour revenir, une dizaine d’années plus tard, sur sa terre d’origine, à savoir l’archipel des Orcades tout au nord de l’Ecosse.

C’est donc à la fin du lycée qu’Amy décide de s’installer à la Capitale, et fuir ainsi ce qu’elle considère comme une vie monotone, ennuyeuse et dénuée de perspectives, une campagne désertée où une jeune femme pleine de vie, comme elle, ne peut s’épanouir. C’est du moins dans cet état d’esprit-là qu’elle s’éloigne des Orcades et de son père dépressif. A Londres, tout ne se passe pas comme prévu. Passé la lune de miel des premiers temps de ses sorties nocturnes arrosées, l’alcool prend le dessus et ne la lâche plus. Il occupe son temps de vie comme un amant pot de colle qui chassera l’homme à ses côtés et l’empêchera de garder un travail. Une dernière nuit d’abus finit d’achever un parcours alcoolique qui devient invivable. Amy décide alors d’entreprendre un séjour de plusieurs mois dans un centre d’accueil et d’accompagnement où elle se rend tous les jours sans y passer la nuit. Le sevrage est long et difficile, car tout la ramène à la bouteille quand elle rentre chez elle le soir. Bon gré mal grès, elle arrive au bout de son séjour de soin, et décide alors de revenir quelques temps dans sa région d’origine pour y passer un séjour qui s’éternisera.

Amy fait un pas de côté en décidant de revenir au plus près de cette nature qu’elle redécouvre, et ce après toutes ces années citadines loin de chez elle. L’écart dont il est question dans le titre, représente aussi bien le bout de terre, la prairie en bout de ferme balayé par les vents, que cet espace dans lequel la jeune femme se réfugie loin des tentations de la capitale londonienne. Amy veut poursuivre son effort d’abstinence. Après un séjour chez son père sur l’ile principale des Orcades, et un travail à la ferme harassant mais revigorant, elle décide de prolonger ce séjour en se faisant embaucher par la Société royale de protection des oiseaux. Elle va s’installer sur l’ile de Papay, petite terre de quelques mètres carrés, et peuplée d’uniquement soixante dix habitants. Sa mission : localiser et référencer le “roi caille“ aussi appelé “râle du genêt“, espèce d’oiseau menacée d’extinction. Amy prend de plus en plus goût à cette mise au vert et se passionne pour tout ce qui touche à la nature de ces terres. Sa soif de découvertes et de connaissances grandit au fur et à mesure qu’elle s’éloigne de ses envies de boire, ou alors peut-être est-ce l’inverse. Difficile de savoir si c’est son abstinence qui lui redonne goût à la nature sauvage, ou si c’est le contraire. Sûrement un peu des deux. Toujours est-il qu’Amy poursuit indéfiniment un séjour aux Orcades qu’elle pensait provisoire. Les relents d’envie de retoucher à l’alcool sont naturellement toujours présents, alors elle décide de s’appuyer sur les conseils d’une Alcoolique Anonyme sevrée, et de suivre en un laps de temps réduit les douze étapes d’un programme qu’elle avait commencé quand elle était à Londres. Tout ce temps-là, elle tente de comprendre qu’elles ont pu être les sources de son alcoolo-dépendance.

Le récit de cette jeune femme ne se veut pas celui d’une rédemption, ou d’une proposition judicieuse de sevrage réussi. Amy nous raconte simplement et sans prosélytisme son parcours individuel. Elle tente de nous embarquer à ses côtés dans l’observation pointue d’une nature à portée de main dans ce coin du monde, nature auprès de laquelle on peut se ressourcer pour de bon…