Roman / “Canari“ de Duane Swierzynski

 

Les Editions Rivages/noir font paraître en poche un polar qui va confronter son personnage principal à un monde bien éloigné de ses préoccupations. Serafina Holland, dite Sarie, est une étudiante sérieuse et bosseuse dans une grande université de Philadelphie. Son père Kevin, seul à élever la jeune femme et son petit frère Marty, est un thérapeute spécialiste des addictions. Il est fier de sa fille qui est pour lui un modèle de droiture et de responsabilité. Elle est studieuse, file droit, ne boit pas, ne fume pas, ne consomme pas de stimulant pour améliorer ses performances à la veille des examens comme beaucoup de ses petits camarades étudiants, bref… C’est une enfant “exemplaire“. Kevin est donc loin de se douter dans quel traquenard sa fille va se retrouver, et ce n’est sûrement pas Sarie qui va lui raconter, de peur de le décevoir. Sarie a plutôt l’habitude de se confier, à travers son journal intime, à sa mère décédée. Le récit à la troisième personne est donc parsemé des confidences de la jeune femme qui va nous raconter, de son point de vue, ses mésaventures…

La veille de Thanksgiving, elle décide de se rendre à une soirée étudiante dans laquelle elle fait semblant de s’amuser tout en mettant en place des stratégies, dignes des meilleures campagnes de prévention des excès, pour éviter de boire trop l’alcool ou consommer d’autres psychotropes. Malheureusement pour elle, cette soirée ne se déroulera pas comme elle l’avait imaginée. Un bang circule et comme pour conjurer le sort d’une soirée où encore une fois elle fera semblant, elle décide de fumer pour de vrai. Elle se fait remarquée par un étudiant, D., qui profite de la situation pour rentrer en contact avec elle, et lui demander si elle peut le raccompagner en voiture après avoir fait un petit détour pour récupérer un bouquin. Un petit service qui coûtera cher à l’étudiante.

Sarie ne se méfie pas. Elle l’accompagne, le dépose vite fait, l’attend cinq minutes, dix minutes,… le temps passe, et D. ne revient pas. La patience de la jeune femme sera alors écourtée par un agent de la DEA, Benjamin Wildey, en observation dans le coin. Il arrête Sarie alors que D. réussit à fuir. Dans la voiture il retrouve dans la poche d’un coupe-vent des sachets de médicaments qui semblent être de l’oxycodone, de l’aderall, des mollies (ecstasy américaines) et de la suboxone. Toute une pharmacopée prête à être distribuée sur le campus. L’agent Wildey est intéressé par le copain de Sarie car il lui permettrait de remonter jusqu’à “Chuckie Morphine“, le grossiste du coin dont la prise ferait bel effet sur le tableau de chasse de la DEA. Sarie, qui ne veut pas “balancer“ D., qu’elle connaît pourtant à peine, se voit obligée de se transformer en “Canari“, c’est à dire en indic pour la brigade des stups, et faire l’effort d’aller chercher d’autres noms si elle ne veut pas finir en prison pour complicité de trafic…

L’empathie avec Sarie fonctionne très facilement, car la jeune femme est engagée malgré elle dans une impasse où aucun des véritables belligérants ne se préoccupent vraiment de l’en sortir, occupés à atteindre aveuglément leurs objectifs, ou à sauver leur peau, et ce des deux côtés du trafic. Difficile dans ce cas de trouver des circonstances atténuantes à l’agent Wildey même s’il est sensé être du “bon côté“ de la loi, car les méthodes employées pour courir après l’information ne cesse de mettre en danger une indic qui n’a rien demandé à personne. Entre deux cours ou deux périodes de révision, elle se démène avec ruse, pugnacité et courage pour éviter la prison ou simplement la mort. Pour ceux qui en doutaient encore, le monde des trafiquants et de la DEA est loin d’être un monde de bisounours où il est si simple de faire la différence entre les bons et les méchants. L’énergie dépensée et les prises de risque considérables semblent disproportionnées par rapport aux enjeux. Le potentiel de dangerosité dans cette affaire semble se situer plutôt dans la quête de parts de marché ou d’informations que dans les produits eux-mêmes…

Consulter en ligne