Roman / “Piranhas“ de Roberto Saviano

Autres drogues

 

Ceroman, de l’auteur du fameux Gomorra, récit adapté au cinéma et à la télévision, est le premier d’une série de trois volets, dont les deux derniers devraient logiquement paraître en France prochainement. Le titre italien d’origine de ce premier volet peut se traduire “Paranza d’enfants“, la “paranza“ désignant en quelque sorte un clan mafieux camorriste, plus ou moins important, dont les activités illégales reposent sur un lien communautaire fort.

Cette fiction s’appuie, comme d’habitude avec Roberto Saviano même si c’est la première fois qu’il s’essaie au roman, sur une enquête poussée dans le milieu, et s’inspire d’une histoire vraie, celle d’un chef de paranza, mort à 19 ans, qui contrôlait le quartier de la Forcella (la fourche) à Naples, quartier où se situe l’action du roman. L’auteur veut nous faire découvrir l’univers de ce qu’il appelle les baby-gangs, clans composés de membres souvent mineurs, ayant pour modèle les gangs d’adultes en place, et l’imagerie des parrains de la Camorra diffusée par les films, grands classiques traitant du sujet, et les séries télé, dont la série Gomorra d’ailleurs…

La paranza dont il est question dans ce roman est créée par Nicolas Fiorillo(dit “Maharaja“ en référence à une boite à la mode dans laquelle il a toujours voulu rentré et dont il rêve de fréquenter le carré VIP), adolescent originaire de la petite bourgeoise, qui a l’ambition de se faire une place dans le quartier en reprenant les affaires d’un chef de zone récemment emprisonné. L’adolescent, qui n’a peur de rien depuis qu’il s’est procuré une arme de gros calibre, s’entoure d’une bande de gamins du quartier qu’il connaît depuis toujours, et dont le plus jeune a à peine dix ans. Il entre en contact avec le big boss du réseau qui accepte de lui confier quelques affaires. Le business est essentiellement celui de l’extorsion de fond, du racket et du deal, essentiellement de cannabis et de cocaïne. Le gang de mineur est toujours en mouvement, à l’affut de la moindre opportunité pour gagner des parts de marché et l’argent qui va avec. Les sous rentrent dans les caisses. On snife des rails de coke tout en buvant des coupes de champagne pour se féliciter. On fait les grands, et on rêve à la même hauteur, à ses risques et périls. Ces gangsters novices apprennent leur métier et font leur trou dans le milieu petit à petit, mais auront à faire avec une concurrence qui ne teindra pas compte de leur très jeune âge pour se faire entendre et protéger ses intérêts…

Les aspirations de ces “baby gangsters“ sont assez triviales en fin de compte : la reconnaissance de leurs capacités à faire comme les grands, la prise de pouvoir, l’argent facile et la gloriole. Ils diffusent les images de leurs exploits sur les réseaux sociaux, même si c’est du pain bénit pour les enquêteurs. Roberto Saviano parle de Camorra 2.0. On est loin ici de l’image d’Epinal de la mafia en costume trois pièces, verre de whisky à la main et cigare au bec, dont les membres respectent des lois ancestrales et une hiérarchie solide. Les règles que suivent les membres des “baby-gangs“ sont plus diffuses et reposent sur une philosophie qui laisse peut de place aux “faibles“. Il y a les “baiseurs“ et les “baisés“, considère Nicolas, et le respect du leader passe par la démonstration de force et la cruauté. Il s’identifie aux terroristes et considère qu’ils “ont des couilles“ puisqu’ils sont prêts à mourir pour leur cause.

On comprend à travers ce roman que les milieux mafieux évoluent en même temps que de nouvelles générations arrivent au pouvoir, que ce soit dans la Camorra, la Cosa Nostra ou la Ndrangheta ou sur les autres places de deal en France ou ailleurs… Le cadre de l’institution est moins bien dessiné. Les membres ont des origines plus diverses, sont instables et moins contrôlables. Les règles qui régissent les clans sont moins gravées dans le marbre…

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