Alcool : « C’est une maladie sournoise » : ils racontent leur vie avec un proche alcoolique

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Parents, enfants, amis, conjoints… Ils sont aux premières loges de l’addiction destructrice à l’alcool de leur proche. Honte, culpabilité, colère, impuissance : si les récits divergent, de nombreuses expériences sont communes à ceux qui accompagnent, parfois jusqu’à la mort, les malades alcooliques. Une souffrance silencieuse que certains souhaitent faire entendre au-delà des cloisons de l’intimité.

« C’est une maladie sournoise, je ne sais pas par où commencer. » Comme de nombreuses personnes interrogées, Juliette* peine à donner un point de départ à l’alcoolisme de son ex-conjoint, maladie qui l’a conduit au suicide. Son passage à l’armée ? L’annonce de la maladie rare de leur fils ? À quel moment sa consommation est-elle devenue véritablement problématique ? « Je l’ai simplement vu glisser, je n’avais aucune prise. » En France, l’alcool est tellement présent qu’il est parfois difficile d’identifier ce basculement entre la consommation « récréative » et la consommation pathologique. Du verre de détente après le boulot à la « biture » du week-end, en passant par le vin d’accompagnement du dîner, sa présence est banale. Ce qui l’est moins, ce sont les conséquences néfastes qu’engendre une consommation régulière, excessive ou incontrôlée sur la santé, la vie sociale et la vie affective. Des problématiques bien visibles qui concernent au moins cinq millions de malades en France. Plus invisible est en revanche le vécu de ceux qui les entourent, parents, enfants, amis, conjoints… devenus, parfois sans même s’en rendre compte, spectateurs de l’autodestruction de celui ou celle qu’ils aiment.

Accompagner « jusqu’à l’épuisement »

Juliette raconte avoir mis du temps à constater l’addiction de son mari. « Même quand j’ai intégré les groupes de soutien aux proches, je disais encore “non, il n’est pas alcoolique, il est festif” », se remémore-t-elle. Aujourd’hui, avec le recul, elle se souvient comment, progressivement, l’alcool s’est installé durablement dans leur vie commune. « Quand on s’est rencontrés, j’avais 17 ans et demi, il était un peu plus âgé, beau, sportif, ambitieux, amateur de musique. » L’homme dont elle rêvait. L’homme dont elle rêve encore. Car « quand vous vivez à côté d’un malade alcoolique, vous côtoyez deux personnes », insiste-t-elle. Il y a le mari et père de famille aimant, et l’autre, le malade alcoolique, désinvesti de la vie familiale, irritable et parfois agressif, bien que son conjoint n’ait « jamais été violent ». « Mais quand vous partez du travail et que vous êtes sur le chemin de la maison, vous vous interrogez perpétuellement : “à qui vais-je avoir affaire ce soir ?” » Vivre aux côtés d’une personne alcoolique, c’est aussi devoir combler son absence « parfois jusqu’à l’épuisement », comme peut en témoigner Betty Melara. Cette médecin de profession s’est beaucoup investie quand, à la retraite, son conjoint a sombré dans l’alcoolisme. « Je voulais l’aider, le sauver de son addiction, tout en maintenant à flot le foyer familial. Il fallait prendre tout l’espace qu’il n’occupait plus », confie-t-elle. Un rythme physique, mental et affectif qui lui a valu trois semaines d’hospitalisation. « On est tellement concentré sur la faiblesse de son proche qu’on ne se rend même pas compte de sa propre fragilité. » C’est pourquoi elle a fondé, avec d’autres, en 2019 le Collectif des Proches de Malades Alcooliques (Cop-Ma), une association de plaidoyer qui veut visibiliser la souffrance des proches. « Pour une personne malade, on peut avoir cinq à sept personnes impactées entre les parents, les enfants, le/la conjoint(e), les frères et sœurs… », précise Betty Melara. Une communauté silencieuse bien souvent démunie.
*Le prénom a été modifié.
En savoir plus : www.ledauphine.com.

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