Du 14 au 23 mai 2024 s’est déroulée la 3
ème édition du Défi déconnexion,
une semaine pour expérimenter d’autres connexions. Un projet orchestré par l’Union des Centres Sociaux des Bouches du Rhône (UCS 13) qui pour la 3
ème année consécutive a proposé à divers publics et notamment aux jeunes, un éclairage sur les
usages et les mésusages du numérique. Avec en fil d’Ariane un triple objectif, favoriser les prises de consciences autour d’un sujet de santé public et de parentalité, sans culpabiliser, ni pointer du doigt. Accompagner les publics (enfants, jeunes, parents, enseignants, bénévoles / professionnels) à trouver ensemble des alternatives pour retisser des liens sociaux, familiaux. Enfin, les épauler à
rester acteurs de leurs rapports aux écrans, tout en tenant compte des réalités socio-économiques des territoires et des familles.
La
Fondation AUTONOMIA dans le cadre de son programme
Générations numériques – qui encourage le bon usage du numérique comme enjeu d’autonomie -, soutient depuis 3 ans L’
Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône (UCS 13) dans ce
challenge de la déconnexion. Addict’AIDE, dont l’une des missions est de compléter et d’amplifier l’action publique en matière de lutte contre les addictions, accompagne la Fondation AUTONOMIA dans ce soutien. Le Défi déconnexion est un projet qui a d’ailleurs été expertisé dès sa 1
ère édition par le Pr Amine Benyamina, psychiatre addictologue, président d’Addict’AIDE et co-président de la commission sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans (dont les 29 recommandations ont été rendues publiques le 30 avril 2024 dans le rapport «
Enfants et écrans – A la recherche du temps perdu » qui donne des repères éclairants aux parents). Maryne Dupuis-Maurin (en charge de la coordination générale du projet au sein de l’UCS 13, Sophie Jouvet enseignante et présidente du
centre social Saint Gabriel (dans le 14ème arrondissement de Marseille), ainsi que la Fondation AUTONOMIA et Addict’AIDE vous proposent dans cet article, un retour sur le bilan de cette 3
ème édition, riche d’enseignements.
Le Défi déconnexion UCS 13 en bref ?
L’ambition portée par ce défi s’articule autour de 4 axes centraux :
- Accompagner et sensibiliser les différentes parties prenantes (enfants, jeunes, parents, enseignants, bénévoles / professionnels) sur les dangers d’une surexposition aux écrans.
- Sensibiliser les familles aux contrôles parentaux sur le numérique, leur permettre de proposer à leurs enfants des alternatives aux écrans.
- Accompagner les enfants, les jeunes (et par effet les parents) dans leurs usages citoyens du numérique et des médias, proposer aux enfants un défi par territoire (classes / centres sociaux / autres partenaires) qui porte autour de la déconnexion aux écrans, avec en appui des alternatives ludiques qui leur permettent de devenir acteurs et observateurs de cette expérience de vie.
- Proposer des restitutions ouvertes (1/territoire) sur un format co construit avec les différentes parties prenantes, qui permettent de capitaliser sur les ressentis et les impacts. Et pérenniser les échanges entre parents et enfants / jeunes sur cette thématique centrale.
Défi déconnexion UCS 13, une 3ème édition plus fédératrice, une préparation plus échelonnée
Une mobilisation en hausse
Si la première édition du Défi déconnexion avait fédéré 17 classes sur les 2 territoires participants, la seconde édition 33, en 2024 ce ne sont pas moins de 51 classes qui se sont engagées. Soulignant incontestablement
une montée en puissance de ce challenge. Notons que pour cette 3ème édition, 8 territoires se sont engagés dans ce projet collectif (7 centres sociaux : Grand Canet, Saint Gabriel, Capelette, Sainte Elisabeth, Agora, Roy d’Espagne, Air Bel – et un espace de vie sociale : 123 Petit Pas, situé à Peyrolles en Provence). Des territoires répartis sur 5 arrondissements à Marseille (4ème, 8ème, 10ème, 11ème, 14ème).
« Le 14ème arrondissement de Marseille est un peu le territoire pilote avec qui nous avons initié l’expérimentation du projet il y a 3 ans (après avoir été lauréat d’un appel à projet lancé par la Fondation AUTONOMIA). De nouveaux centres sociaux étaient déjà présents l’année dernière, pour d’autres c’était la première édition, ce qui aboutit à un collectif de centres sociaux qui n’étaient pas tous au même niveau du projet. Cela a ajouté à sa richesse, car le projet vit de manière différente en fonction des centres sociaux » de préciser Maryne Dupuy-Maurin (UCS 13).
Un déploiement tout au long de l’année pour la 3ème édition du Défi déconnexion
La troisième édition du Défi déconnexion s’est déroulée du 1er septembre 2023 au 31 août 2024. Contrairement aux autres éditions, la préparation de la semaine de la déconnexion s’est échelonnée sur toute l’année scolaire, rythmée par
des séances sur la déconnexion et des rendez-vous avec les parents. La sensibilisation en amont a, de fait, été plus forte, mieux structurée, séquencée, préparée. Au total 20 temps dédiés à la préparation et à la coordination territoriales se sont succédé tout au long de l’année pour les 180 personnes concernées (professionnels, enseignants, partenaires, …). Cette période a permis de l
ancer l’essaimage de ce projet auprès de 4 nouvelles structures, mais aussi de terminer la mesure d’impact de la précédente édition, et bien entendu de préparer le déploiement de la valorisation du projet.
3 grandes phases :
- 7 février 2024 : présentation de la mesure d’impact et lancement officiel de la nouvelle édition – 50 personnes présentes à la Friche la Belle de Mai.
- Janvier / mai 2024 : sensibilisation et démarrage des diverses alternatives.
- 14 / 23 mai 2024 : semaine du Défi déconnexion, puis valorisation et capitalisation.
Défi déconnexion UCS 13 / 3ème édition, constats et enseignements
Des constats variés
Quel que soit le territoire concerné (certains ne sont pas en quartiers prioritaires), le constat est là :
la relation aux écrans et la surexposition est une problématique partagée par toutes les familles, même si leurs réalités ne sont pas homogènes.
La Cohorte Elfe qui suit des enfants pendant un certain nombre d’années conforte ce constat dans ses études, et pointe également qu’au sein des territoires ayant des problématiques d’insécurité, le temps d’exposition aux écrans est largement supérieur.
« La problématique sociétale liée à nos quartiers, rend le sujet plus complexe encore. La violence urbaine, le manque d’activités sportives ou d’accès à la culture (la seule structure environnante est le centre social qui ne peut pas pourvoir à tous les besoins des enfants), font que même s’il y a conscience par les parents des effets des mésusages des écrans, dans les faits les changements éducatifs sont plus difficiles à encourager. Le seul endroit où les parents pensent leurs enfants en sécurité, est la maison. Donc pour les occuper, ils les laissent davantage devant les écrans » nous souligne Sophie Jouvet, présidente du centre social Saint Gabriel dans le 14ème arrondissement de Marseille, au Nord de la ville.
Questionner les usages et les mésusages puis semer de petites graines
Le Défi déconnexion ne souhaite pas générer de la culpabilisation, car il y a aussi des usages liés aux écrans qui permettent le partage : regarder un film tous ensemble…. Ce qu’il invite à questionner c’est avant tout l’utilisation très individuelle et une certaine forme d’usage pas toujours constructif, parfois même à risque. À la question «
Avez-vous déjà été confrontés à des images violentes, à caractère sexuel… » posée à des élèves de CM1, CM2 lors d’ateliers de préparation au Défi, la réponse est souvent oui. Les parents ont conscience du rôle crucial du
contrôle parental, mais ils ne savent pas toujours comment l’installer de façon pratico-pratique.
L’usage raisonné du numérique reste un sujet complexe au cœur d’une réalité où il est omniprésent, même à l’école (tableaux numériques…). Le Défi déconnexion se confronte aussi à des réalités sociétales qui requièrent recul et humilité. Il invite à effectuer un travail collectif autour
d’alternatives aux écrans, pour des parents parfois un peu démunis dans la mise en œuvre de solutions de remplacement.
« L’humilité au regard de ces enjeux d’éducation est importante, nous avons toujours un enjeu de moyen, mais le résultat, il appartient surtout aux gens qui mettent en pratique. Nous travaillons autour d’alternatives en ayant aussi conscience des limites : les réalités socio-économiques du territoire et dans lesquelles vivent les familles sont importantes à considérer. Chaque année, on touche de nouvelles personnes, donc on multiplie nos petites graines chaque fois un peu plus… » – explique Maryne Dupuy-Maurin (UCS 13)
Défi déconnexion UCS 13 / 3ème édition, réussites et impacts
Tirer de nouveaux fils à chaque édition
Ce sujet de
la relation aux écrans permet de se saisir de multiples fils annexes autour de la santé, de la relation aux médias (fake news), du harcèlement digital, de la place de l’enfant dans l’espace public
. Notre société laisse de moins en moins de place aux enfants dans l’espace public, dans les transports, dans les salles d’attente publiques… Les enfants doivent rester silencieux, ne pas bouger. Le réflexe parfois de culpabilité parentale, afin qu’il ne fasse pas de bruit, est de les mettre devant un écran. Ce sont de multiples petits leviers que nous essayons d’actionner pour favoriser des prises de conscience,
de nouvelles pistes de réflexions aux publics participant au Défi déconnexion.
Saluer les petites victoires et pas que les grandes avancées
Le Défi déconnexion permet aussi de saluer les petites victoires en permettant aux publics qui participe de réapprendre à
recréer des liens familiaux, avec par exemple l’organisation de soirées à thèmes : «
Lors de la soirée partagée avec mes parents, j’ai appris comment papa et maman se sont rencontrés ; J’ai cuisiné avec mon papa et c’était génial… », partagent les enfants. Le constat est là, c’est aussi dans ces petites actions, que le lien se recrée, que l’envie de s’investir davantage dans ce défi se renforce.
« C’est de plus très gratifiant, pour tous ceux qui participent, qui œuvrent, de saluer les petites victoires et non uniquement les grandes avancées, parce que c’est ça la réalité terrain, ce sont ces petites choses qui se passent grâce aux petites graines semées. Les petites victoires créent le changement, si elles parviennent à changer l’état d’esprit de quelques personnes, c’est déjà très positif… » pointe Maryne Dupuy-Maurin
Perspectives pour la suite du projet
- Poursuivre le travail autour des outils de communication commun pour favoriser encore plus d’engagement.
- La formation « éducation aux médias » mise en place en mars 2024 (pour laquelle certains professionnels impliqués sur le Défi déconnexion ont participé) sera renforcée pour la prochaine édition
- Lancer une réflexion encore plus poussée, pour sensibiliser et toucher davantage de parents, pierre angulaire du projet, et qui sont les plus difficiles à toucher.
- Poursuivre le déploiement du projet sur de nouveaux territoires.
La Fondation AUTONOMIA et Addict’AIDE : des partenaires engagés auprès d’UCS 13 dans le Défi déconnexion
C’est grâce à l ‘appel à projets national de la Fondation AUTONOMIA lancé il y a 3 ans, pour lequel l’UCS 13 a été lauréate, que le projet du Défi déconnexion a pu voir le jour sur les deux premiers territoires. Depuis, la Fondation poursuit son soutien dans le financement et notamment dans une logique d’essaimage. Addict’AIDE qui accompagne dans son soutien la Fondation AUTONOMIA, apporte son expertise sur le projet, une caution scientifique. Car outre les messages de sensibilisation (pas d’écran avant 3 ans, pas de smartphone avant 15 ans) bien évidemment importants à véhiculer, l’optimisation de la sensibilisation des publics visés nécessite aussi, le partage de données concrètes.
Muriel Gutierrez (
Amande épicée)