« L’addiction à l’exercice physique est sans doute la maladie qui se cache le mieux derrière un mode de vie ultra-sain. »

Parole d’expert - Dr Michaël Bisch, psychiatre addictologue

Pour le Dr Michaël Bisch, psychiatre addictologue, vice-président de la Fédération Française d’Addictologie (FFA), responsable de l’Europe du Sud et de l’Ouest à l’International Society of Addiction Medicine (ISAM), l’addiction à une pratique sportive, la bigorexie, est une maladie chronique, qui a une forte composante environnementale, avec des facteurs de vulnérabilité individuelle qui varient d’une personne à une autre.

La part environnementale de la bigorexie est liée pour beaucoup à l’essor des influenceurs sur les réseaux sociaux qui définissent les standards d’une personne musclée, et qui posent comme critère et valeur sociale la recherche de la performance, du dépassement de soi… en incitant à augmenter la quantité, l’intensité et la fréquence de la pratique sportive.

S’il faut rester prudent sur les typologies de personnes à risque, ou de celles qui sont les plus touchées par la bigorexie, il existe quelques facteurs de vulnérabilité :

la pratique des sports d’endurance : ultratrail, vélo, course, sports à sensations fortes… qui entraine des libérations massives de neurotransmetteurs (endorphines, dopamines…) et génère souvent de la valorisation sociale par le dépassement,

la pratique de sports avec des critères spécifiques d’esthétique, de performance où le dessin musculaire est important (activités physiques en salles…), les sports de masse musculaire avec des catégories de poids (aviron…),

des vulnérabilités individuelles : troubles du comportement alimentaire, autres addictions, manque de confiance, d’estime de soi…

Il se peut aussi que l’on sous-diagnostique les jeunes femmes qui pratiquent des sports de fitness en plein essor (body pump, body combat…) et qui sont parfois en difficulté avec le contrôle de leur masse musculaire et graisseuse.

Réorganiser son activité physique, être plus à l’écoute de son corps, et moins de sa montre et de son monitorage, comme de sa performance, peut aider à remettre de l’équilibre dans sa pratique.

Mais attention, ne misons pas tout sur les vulnérabilités individuelles. Pour une véritable prise de conscience, il faut que les messages unicistes soient délivrés, que les coachs soient formés et abordent ce sujet, que la sensibilisation autour de cette addiction soit plus forte, régulière et portée par des « sportifs de haut niveau ».

En partageant leur vécu et des messages éclairants, des porte-paroles célèbres pourraient contrebalancer les injonctions des influenceurs.

En savoir plus : Bigorexie ou addiction au sport : constats et prévention – Addict Aide – Le village des addictions   Muriel Gutierrez Amande épicée