Les Nouvelles Substances Psychoactives ou Nouveaux Produits de Synthèse (NPS) définissent un large nombre de drogues narcotiques et psychotropes qui ne sont pas (en tout cas, en début de diffusion) réglementées par les conventions des Nations Unies de 1961 et 1971. Ces NPS, dans la plupart des cas, miment les effets des produits stupéfiants classiques (opiacées, amphétamines et cocaïne, cannabis).…
Les Nouvelles Substances Psychoactives ou Nouveaux Produits de Synthèse (NPS) définissent un large nombre de drogues narcotiques et psychotropes qui ne sont pas (en tout cas, en début de diffusion) réglementées par les conventions des Nations Unies de 1961 et 1971. Ces NPS, dans la plupart des cas, miment les effets des produits stupéfiants classiques (opiacées, amphétamines et cocaïne, cannabis). L’appréhension de ce phénomène sur un plan épidémiologique (quelles substances circulent dans telle ou telle population à un moment donné ?) est difficile car il s’agit d’un marché en perpétuel expansion et renouvellement. Par ailleurs, il existe de nombreux écueils à leur détection analytique dans les milieux biologiques. Enfin, la plupart des consommateurs présentent des conduites addictives impliquant parfois des NPS de natures diverses et fluctuantes.
Cet article se propose d’illustrer l’intérêt des analyses capillaires pour dresser rétrospectivement ce profil de consommations de NPS et constituer ainsi un support à la prise en charge médicale du patient.
Il repose sur le cas de deux patients, victimes d’intoxications aigües par des NPS.
Matériel et méthodes
Les analyses des échantillons sanguins et urinaires ont été réalisées par chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse haute Résolution (CL-SMHR) ou par spectrométrie de masse en tandem (CL-SM/SM) couvrant plus de 1 700 substances (dont plus de 660 NPS et métabolites). Ces analyses incluent également des recherches et/ou dosages spécifiques (éthanol, médicaments, stupéfiants et autre toxiques) à l’aide d’un panel de méthodes variées. Les échantillons de cheveux ont été également analysés par CL-SMHR et CL-SM/SM après segmentation en sections de 2 cm (chaque section correspondant approximativement à une période de 2 mois).
Résultats
Discussion
En prenant en compte le fait que les cheveux poussent d’environ 1cm/mois, l’analyse segmentaire permet donc de retracer des expositions à des produits psychoactifs sur plusieurs mois.
Dans le premier cas, l’analyse des cheveux permettait de retracer un historique d’usage de 8 NPS sur une période de 34 mois, une prise de MPA et de 4-FA jusqu’à quelques semaines avant l’intoxication aigue par 5MD et diphénidine. Les autres NPS faisaient l’objet de consommation discontinue et comprenaient 4 stimulants [3 dérivés de cathinone (4-MEC, NEB et alpha-PVP) et 1 dérivé d’amphétamine (EPH)], un dérivé de kétamine (MXE), et un cannabinoïde de synthèse (UR-144). Ce profil de consommation révélait un usage chronique de NPS avec une diminution récente des stimulants au profit d’une augmentation d’utilisation de substances hallucinogènes. Dans les semaines suivant l’intoxication aigüe, confronté à ces résultats au cours de son suivi en addictologie, le patient admettait avoir pris du 5MD avec de l’éthanol et de la buprénorphine juste avant son hospitalisation. Il avoua également avoir eu une consommation de 5MD et DIP tous les 15 jours depuis 6-12 mois et occasionnellement de l’amphétamine (MPA). A la suite de ces résultats le patient a admis un « auto-traitement » (i) de ses troubles dépressifs par des prises quotidiennes de NPS hallucinogènes ou dissociatifs, (ii) de son hyposociabilité par des prises ponctuelles de stimulants, et (iii) de sa libido avec de l’EPH.
Dans le second cas l’analyse des cheveux mettait en avant l’usage de 4 cathinones synthétiques différentes au cours des 14 mois précédents. Dans ses déclarations, le patient mentionnait uniquement l’usage d’alpha-PVP achetée en ligne auprès de différents fournisseurs : il est probable que les différents NPS détectés dans ses cheveux avaient fait l’objet de consommations à son insu, en lien avec l’achat de ces substances indûment présentées comme étant de l’alpha-PVP. Effectivement il est régulier que des produits contiennent un dérivé de cathinone différent de celui annoncé par le vendeur, et parfois même, une substance d’une autre classe de NPS (tryptamine ou arylcyclohexylamine). Enfin, le dernier produit acheté, et consommé, devait être de l’alpha-PHP de haute pureté, qui a conduit à l’intoxication aiguë du patient.
Conclusion
L’analyse de cheveux peut constituer une aide précieuse dans la prise en charge et le suivi des patients en addictologie. Le prélèvement non invasif peut être effectué dans les jours suivants l’intoxication et les résultats disponibles en une quinzaine de jours. Les données fournies par ces analyses capillaires vont faciliter l’instauration du dialogue praticien-patient, participer à l’appréhension des schémas de consommations, et parfois même constituer un outil de réduction des risques en sensibilisant le patient aux possibles différences de produits entre ce qui est annoncé et réellement acheté sur l’Internet.
Vincent GOMEZ, Delphine ALLORGE et Jean-michel GAULIER
UF de Toxicologie – Centre de Biologie-Pathologie, CHU de LILLE
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