Introduction
Lorsque nous avions effectué notre
revue de la littérature avec Bertrand Dautzenberg et al. sur le recours à la vape comme produit d’initiation (avant le passage éventuel au tabac), nous avions constaté que la concentration en nicotine était souvent ignorée, parfois nulle et remplacée par du cannabis. Ainsi, nous n’avons pas pu étudier le rôle de la nicotine qui était très insuffisamment rapportée dans les études.
En 2021,
Timothy Becker précisait que, lors d’une
enquête nationale représentative menée en 2017 auprès des adolescents américains, 25% des utilisateurs de cigarettes électroniques déclaraient vapoter uniquement des arômes, tandis que le reste rapportait vapoter de la nicotine (45%), de la marijuana (13%) ou les deux (17%). Parmi
les adolescents européens ayant déjà utilisé des eCigarettes, 43% déclaraient vapoter des liquides sans nicotine, 37% de la nicotine, et 19,6% rapportaient ne pas savoir ce qu’ils vapotaient.
Récemment, l’
ANSM a lancé une alerte sur le vapotage de substances psychoactives (hors nicotine), en particulier le vapotage de cannabinoïdes de synthèse, dont le PTC (« pète ton crâne », ou Buddha Blue).
Objectifs de l’étude
Junhan Cho et collaborateurs, de l’université de Californie du Sud (Los Angeles, USA) ont analysé les données de l’enquête
Monitoring the future (qui existe depuis 1975), représentative des collégiens (classe de 4
ème) et lycéens (classes de seconde et terminale) américains¹. Cette analyse a été effectuée de février à juin 2024.
Elle avait pour objectifs de décrire le recours à la vape parmi ces adolescents et de savoir s’ils connaissaient la concentration en nicotine de leur cigarette électronique.
En effet, jusqu’en 2024², le taux maximal autorisé aux Etats-Unis était de 5% soit 50mg/ml de nicotine. Puis, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux
(FDA), en a décidé autrement, en autorisant la vente de produits à base de nicotine sans limite supérieure. A titre de comparaison, en Europe, le taux maximal autorisé est de 1,9% (19,9mg/ml de nicotine).
Méthodologie
Le taux de participation était élevé, compris entre 76% et 89%.
Les élèves complétaient un auto-questionnaire en classe, qui prenait en compte les variables suivantes :
Le recours à la vape au cours des 30 derniers jours
- la concentration en nicotine (ne sais pas / 10-20mg/ml / 30-40mg/ml / 50mg/ml / 60+mg/ml)
- le recours à la vape 20+ jours/mois (oui / non)
- des tentatives de sevrage de la vape (oui / non)
- le vapotage dans 5 ans (oui / non)
- l’obtention de la vape par une tierce personne (famille, ami, sur internet, …)
- la précocité du vapotage (en 6ème-5ème ou non)
Le recours à d’autres produits du tabac
- des cigarettes manufacturée ou roulées
- des cigares ou cigarillos
- des gommes à la nicotine, des perles de nicotine (sucrées / à la menthe), des sachets de nicotine
Le recours à plusieurs produits du tabac non fumé (1+ / 2+ / 3+)
La consommation d’alcool et de cannabis
Résultats
Les auteurs ont recueilli les questionnaires de 2 318 adolescents américains : 18,7% en classe de 4
ème, 32% en classe de 2
nde et 49,4% en classe de terminale.
Les réponses concernant la concentration en nicotine dans leur vapoteuse sont les suivantes (parmi ceux qui connaissent la concentration en nicotine) :
- 10-20 mg/ml (1%-2%) : 20,9%
- 30-40 mg/ml (3%-4%) : 13,5%
- 50 mg/ml (5%) : 52,6%
- 60+ mg/ml (6+%) : 13%
Par contre près de la moitié des adolescents (41,4%) ne connaissent pas la concentration en nicotine de leur vapoteuse !
Ceux qui ne connaissent pas la concentration en nicotine de leur vapoteuse sont plus nombreux à l’avoir obtenue par l’intermédiaire d’une tierce personne (RR = 2,3).
Par ailleurs, les
fréquences de consommation d’alcool et de cannabis, tout comme
le recours à des cigarettes au cours des 30 derniers jours
augmentent avec la teneur en nicotine de la vapoteuse.
Conclusions
Il est important de rappeler que la cigarette électronique est interdite à la vente aux mineurs en France, tout comme les cigarettes et autres produits du tabac.
L’achat par des tiers ou sur internet représente un risque de recours à des produits dont la composition n’est pas connue, au risque de vapoter des substances à risque comme du THC (principale molécule active du cannabis) avec acétate de vitamine E (syndrome EVALI) ou des cannabinoïdes de synthèse.
Références bibliographiques
¹ Miech RA, Johnston LD, Patrick ME, O’Malley PM.
Monitoring the Future: National Survey Results on Drug Use, 1975-2023: Overview and Detailed Results for Secondary School Students. University of Michigan Institute for Social Research; 2024. Accessed February 13, 2025. https://monitoringthefuture.org/wp-content/uploads/2024/01/ mtfoverview2024.pdf
² Duell AK, Pankow JF, Peyton DH. Nicotine in tobacco product aerosols: “it’s deja vu all over again”.
Tob Control. 2020;29(6):656-662. doi:10.1136/tobaccocontrol-2019-055275
Dr Philippe Arvers (1,2,3)
1 – Observatoire Territorial des Conduites à Risques de l’Adolescent (MSH-UGA)
2 – 7ème Centre Médical des Armées (76
ème Antenne médicale de Varces)
3 – Institut Rhône Alpes Auvergne de Tabacologie (Lyon)
En savoir plus :
www.jamanetwork.com.