Prise en charge de l’addiction à l’alcool : quel est l’avis des patients ?

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La relation médecin – malade a évolué au fur et à mesure du temps en fonction des évolutions sociétales. Initialement basée sur un modèle paternaliste dans lequel le patient fait confiance et se conforme à ce que le corps médical/soignant peut lui apporter comme informations, elle est désormais basée sur un modèle autonomiste qui laisse plus de place à l’autonomie du patient...

La relation médecin – malade a évolué au fur et à mesure du temps en fonction des évolutions sociétales. Initialement basée sur un modèle paternaliste dans lequel le patient fait confiance et se conforme à ce que le corps médical/soignant peut lui apporter comme informations, elle est désormais basée sur un modèle autonomiste qui laisse plus de place à l’autonomie du patient et une prise de décision partagée entre le patient et le médecin. Si ce modèle de relation thérapeutique est désormais bien reconnu dans bon nombre de pathologies, nous ne savons pas encore si ce modèle est également applicable aux patients souffrant de troubles addictifs. L’objectif de cette étude était donc d’évaluer les avis des patients vis-à-vis de ce qu’ils pouvaient attendre des médecins, et d’en déterminer les facteurs associés. Préféraient-ils un rôle de patient passif, laissant au médecin toute latitude pour décider  (et si oui, pourquoi ?)? ou préféraient-ils un rôle de patient actif et impliqué dans un processus de prise de décision partagée ?

 

Cette étude allemande, réalisée dans 4 centres de soins en addictologie (équivalents de nos soins de suite et de réadaptation en addictologie), a permis de recueillir l’avis de 250 patients souffrant d’un trouble de l’usage d’alcool. Les préférences des patients en termes de prise de décision et de rôle attendu du médecin étaient recueillies à l’aide du questionnaire « Control Preference Scale » : préférence pour un rôle passif (« je préfère que le médecin décide pour moi » ; « je préfère que le médecin décide après avoir consulté mon avis ») ; préférence pour une prise de décision partagée (« je préfère que le médecin et moi partagions le choix de la décision thérapeutique ») ; préférence pour un rôle actif, le médecin gardant un rôle d’information (« je préfère prendre la décision définitive » ; « je préfère prendre la décision définitive après avis du médecin »).

 

Ce travail a démontré que la grande majorité des patients (90%) préféraient avoir un rôle actif ou de prise de décision partagée. Plus précisément, 50% préféraient une information du médecin avec une prise de décision leur revenant, 40% préféraient une prise de décision partagée, et seulement 10% préféraient avoir un rôle passif. La préférence pour un style de relation (attente d’information, attente de partage de décision, attente de décision de la part du médecin) n’était pas associé aux caractéristiques socio-démographiques (âge, sexe, niveau socio-économique ou éducatif), à la sévérité de l’addiction ou à la présence d’une dépression sous jacente. La préférence pour un style de relation était en revanche liée au souhait d’être aidé : plus le souhait d’être aidé était important, plus les patients avaient tendance à attendre une relation paternaliste plutôt qu’une relation de type « prise de décision partagée ». Il n’y avait pas de lien entre le fait de reconnaître son addiction comme étant ou non un problème et la préférence pour un style de relation thérapeutique.

 

Dans nos sociétés occidentales qui valorisent un modèle de relation médecin – malade autonomiste, il n’est pas surprenant de voir que ce sont principalement les modèles laissant toute leur place à l’autonomie du patient qui sont valorisés. Ce choix ne semble pas être lié à la sévérité de la maladie ou aux troubles associés, il semble être plus en lien avec les particularités de chaque individu. Ce travail met en évidence l’importance de considérer le point de vue du patient avant tout choix thérapeutique, et souligne une fois encore tout l’intérêt des approches motivationnelles (et de celles centrées sur la personne) pour accompagner au mieux nos patients en addictologie.  Il serait intéressant de réaliser d’autres études dans des pays non occidentaux pour déterminer de possibles variations culturelles des attentes des patients vis à vis de leur médecin, et plus généralement, vis à vis de leurs soignants.

 

 

Par Paul Brunault 

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