Drogue : quels produits retrouve-t-on dans les seringues des usagers newyorkais ?

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Contexte : L’usage de drogues par voie intraveineuse est une cause importante de dommages tant sur le plan infectieux (VIH, hépatites…) que vasculaire sans oublier le risque accru d’overdose. La principale action de Réduction des Risques et des Dommages (RDRD) en termes de santé publique est l’utilisation de matériel propre à usage unique via un programme d’échange de seringue (PES). Le…

Contexte :

L’usage de drogues par voie intraveineuse est une cause importante de dommages tant sur le plan infectieux (VIH, hépatites…) que vasculaire sans oublier le risque accru d’overdose. La principale action de Réduction des Risques et des Dommages (RDRD) en termes de santé publique est l’utilisation de matériel propre à usage unique via un programme d’échange de seringue (PES). Le premier dispositif de PES date de 1984 !

De par le monde, de nombreuses enquêtes internationales montrent ce que contiennent les seringues d’usagers. Ainsi, l’héroïne est souvent le produit le plus retrouvé en France et de manière générale en Union Européenne ou en Australie. D’autres produits comme la cocaïne sont également fréquemment retrouvés en France ou en Suisse. Les cathinones se trouvent également sur le podium des produits les plus fréquents que ce soit en Hongrie ou en France. En revanche, la buprénorphine, les amphétamines et les benzodiazépines sont moins fréquemment retrouvées. L’enquête présentée ici concerne les injecteurs new-yorkais. Elle est réalisée par la médecine légale avec pour objectif de détecter toutes les substances actives (drogues et produits de coupe) sans se limiter aux classiques drogues attendues (héroïne, cocaïne…).

 

Méthode :

Entre mars et juin 2017, les seringues collectées dans 11 PES de la ville de New-York sont envoyées aux laboratoires de toxicologie et de médecine légale. Les usagers sont informés à l’oral de cette étude. L’article décrit ensuite les méthodes analytiques nécessaires pour extraire des seringues les différentes molécules qu’elles contiennent. La détection est ensuite réalisée par chromatographie gazeuse et/ou liquide couplée à la spectrométrie de masse (le détail des phases mobiles et gazeuses pour toxicologues avertis sont présents dans l’article) pour une identification parfaite dès lors qu’il y en a des traces « microscopiques ». Ces machines disposent d’un catalogue de 1 780 produits répertoriés. Pour éviter de détecter des substances présentes dans le sang par retour veineux, une concentration d’au moins 10 % est nécessaire pour être considérée comme substance présente dans la seringue.

 

Résultats :

357 seringues sont récupérées et analysées. Parmi ces seringues, 275 (77 %) sont positives à au moins une substance. Les 82 négatives s’expliquent probablement par des rinçages, par l’utilisation d’eau pour préparer une autre seringue, ou encore tout simplement par une inutilisation de celle-ci après ouverture (plus stérile donc rendue pour échange).

Sur les 275 positives :

Opiacés :

  • 72 % contenaient de l’héroïne ou ses substances associées (morphine, codéine, acétylcodéine, noscapine, papavérine…),
  • 13,5 % du fentanyl,
  • 5,4 % des dérivés du fentanyl comme le furanylfentanyl (5 fois plus puissant que le fentanyl)
  • 1,8 % du tramadol
  • 0,7 % de la méthadone

Stimulants :

  • 34,9 % contenaient de la cocaïne/benzoylecgonine,
  • 7,6 % de la méthamphétamine/amphétamine.

Produits de coupe :

  • 18,5 % contenaient de la quinine/quinidine,
  • 12 % du lévamisole,
  • 11,6 % de la caféine,
  • 11,6 % de la lidocaïne,
  • 6,9 % de la phénacétine,
  • Divers < 2,2 % par produit : diltiazem, hydroxyzine, xylazine, dextrométrophane, gabapentine.

Benzodiazépines :

  • 0,4 % contenait de l’alprazolam,
  • 0,4 % du clonazépam.

Divers :

  • 1,1 % contenaient de la cotinine,
  • 0,7 % de la quétiapine,
  • 0,4 % de la olanzapine.

44,7 % des seringues ne contenaient qu’un seul produit, 29,5 % 2 ou 3,  9,5 % en avaient 4, 2,9 % 5 et 2,9 % 6 ou plus.

Les seringues contenant de l’héroïne/assimilés ont dans 22 % de la quinine/quinidine, 15 % du fentanyl, 12 % de la lidocaïne, 10 % caféine ou lévamisole et enfin 6 % de la phénacétine.

En revanche dans celles contenant de la cocaïne, 31 % ont du lévamisole, 27 % de la lidocaïne, 13 % de la phénacétine, 12 % de la quinine/quinidine et 11 % de la caféine.

Les fentanyloïdes et la méthamphétamine contiennent en général peu d’adultérant et lorsque l’on en retrouve, il s’agit essentiellement de quinine/quinidine.

 

Quels enseignements pour la pratique (française) :

A l’exception des fentanyloïdes que l’on ne retrouve pas dans ces proportions en Europe, le reste est conforme aux précédentes études. Aucune nouvelle substance/adultérant n’a été détectée. Pour les seringues qui comportent de nombreux produits actifs, se pose la question des réutilisations. 15 % des seringues avaient héroïne et fentanyl, mélange ou réutilisation pour deux injections ? Obtenir une réponse à cette question serait pertinente car le risque d’overdose est démultiplié avec les fentanyloïdes. Sur la région Auvergne-Rhône Alpes, nous avons eu il y a quelques années, une alerte sur la présence de fentanyl dans de l’héroïne.

Même si l’échantillon est petit (275 seringues), on ne retrouve « que 34 molécules différentes » déjà connues dans de précédentes enquêtes. L’énorme artillerie déployée (plus de 1 700 produits détectables) dans le cadre de l’étude n’est donc pas accessible à tous en routine. En revanche, cette étude montre l’intérêt potentiel que peut avoir une technique bien plus économe mais néanmoins suffisante pour détecter les principaux produits/adultérants des usagers de drogues et qui s’appelle la CCM ou chromatographie sur couche mince. D’ailleurs certaines structures de RDRD proposent l’analyse de produits par CCM (projet porté initialement par Médecins du Monde), un outil à connaitre et qui peut rendre des services tant au patient qu’au soignant.

Un article de Mathieu Chappuy. 

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