Addiction au travail : comment détecter et prévenir le workaholisme en entreprise
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Avec le développement du télétravail, l’addiction au travail, ou workaholisme, touche de plus en plus de salariés, souvent sans qu’ils en aient conscience. Quels profils sont les plus à risque ? Quels sont les signes à repérer ? Et que peuvent faire les entreprises pour prévenir ce trouble ? Décryptage avec Alexis Peschard, addictologue et spécialiste de la prévention en entreprise.

L’addiction ne concerne pas que l’alcool, le tabac ou les drogues : il est tout autant possible de devenir « accro » à son activité professionnelle. Et la pérennisation du télétravail suite à la crise du Covid n’a pas arrangé les choses. Selon une étude Odoxa pour GAE Conseil réalisée en 2021, le travail à distance « accentue les risques de pratiques addictives » au travail. Qu’il s’agisse de la consommation de substances psychoactives ou d’addictions comportementales : aux écrans, au sport, au travail.

Selon Alexis Peschard, président de GAE Conseil et addictologue, le stress et l’hyper connexion causés par le travail à distance sont notamment à l’origine d’une addiction au travail pour 61 % de ceux qui le pratiquent. Mais le « workaholisme » (work + alcoholism) concerne aussi les salariés qui sont en présentiel.

« C’est une addiction comportementale, qui se manifeste par l’incapacité à se détendre et à arrêter de penser au travail. Il est alors très difficile de se déconnecter : pas seulement des outils numériques amenés partout, même en vacances, mais aussi de pensées obsédantes, liées à l’activité professionnelle. Des pensées qui le poursuivent parfois jusque dans les rêves, » décrit Alexis Peschard.

Le workaholisme ne se résume pas à travailler le soir ou le week-end : « Tout comme avec l’alcool, ce n’est pas qu’une question de quantité. Au-delà d’un certain nombre de verres ou d’heures travaillées, il y a des facteurs de risques, certes, mais le vrai problème, c’est la relation que l’on entretient à son travail. Une relation pathologique, » explique l’addictologue. Cette implication excessive dans le travail se pratique au détriment des loisirs, des voyages, du sport, des relations sociales ou encore de la vie de famille : « peu importe les activités impactées : l’idée est que le travail prend toute la place. »

Le workaholisme se manifeste tantôt par une productivité intense et accrue, « quelque chose qui est souvent valorisé ou encouragé », tantôt par une activité en berne. Il s’agit dans ce cas précis de salariés qui travaillent durant de très longues plages horaires et qui tentent de se surinvestir, mais qui ont paradoxalement un rendement faible. « Ils ont l’esprit trop encombré par la charge de travail qui leur incombe, alors qu’en parallèle, ils ont des difficultés à déléguer ou à demander de l’aide à leurs collègues ou managers. Ce sont souvent des individus qui veulent tout faire tout seul, avec l’envie de se rendre indispensables. Ils sont aussi anxieux et souvent stressés par leur travail, » précise Alexis Peschard.

Hyperconnexion, charge de travail et représentations mentales

Le président de GAE Conseil perçoit plusieurs facteurs de risques menant au workaholisme. D’abord, l’hyperconnexion, aggravée par le travail à distance qui gomme les frontières entre vies privée et professionnelle. « Certains salariés ont plus de mal que d’autres à couper, car ils sont sursollicités… et que leur charge de travail est bien souvent trop importante. Celle-ci est parfois mal répartie et régulée dans le cadre d’un travail hybride ou provient d’un problème de sous-effectif et de difficultés à recruter chez l’employeur. Tandis qu’une forme de pression s’exerce pour performer. »

Selon l’addictologue, d’autres raisons sont liées à la situation personnelle et au rapport au travail des collaborateurs. « Des événements de vie peuvent faire que l’on sera, à un certain moment, davantage susceptible de développer une dépendance au travail : la perte d’un proche, un deuil, une séparation, un divorce. Ces moments difficiles génèrent parfois une fuite dans le travail. Il peut aussi s’agir de modèles parentaux et de représentations, liées à une forme de réussite, avec l’idée que pour atteindre le succès, il faut travailler énormément. » Finalement, peu importe que l’on soit cadre, nomade digital, employé de bureau, ouvrier en usine ou artisan dans son atelier : « si le travail est perçu comme une passion, si l’on est trop perfectionniste ou si l’on place le travail sur un piédestal, toutes les risques sont réunis pour tomber dans l’addiction. »

Concrètement, le workaholisme entraîne une longue liste de maux : stress intense, insomnies, isolement social, développement de troubles musculosquelettiques, addiction au tabac ou à des substances psychoactives destinées à tenir le rythme et, enfin, burn-out et risques graves pour la santé physique.

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