Les approches préventives dominantes envisagent la consommation de substances psychoactives uniquement comme une faute ou un risque pour le travail.
En France, l’action publique sur les usages de substances psychoactives (SPA) au travail n’est pas nouvelle. L’histoire de la lutte contre l’alcool au travail en témoigne. Cependant, les produits ont changé, se sont diversifiés; leur mode de consommation et la lutte contre leurs effets au travail aussi. Désormais, une politique de prévention et de gestion des conduites addictives, impliquant des produits (légaux ou illégaux) ou des comportements excessifs (écrans, travail, etc.), oriente l’action publique.
La trajectoire de cette politique reste marquée par des tensions et bifurcations expliquant les difficultés de sa mise en œuvre. Trois grandes phases scindent son histoire. Tout d’abord, le problème des drogues au travail émerge dans la seconde moitié des années 1980. Dans un contexte international de relance de la «guerre à la drogue», les premières mesures françaises répondent à une demande de l’entreprise pharmaceutique rhodanienne Syva-BioMérieux, alors leader mondial sur le marché du dépistage des drogues.
Par le biais d’une charte destinée aux entreprises françaises, l’objectif est de généraliser le dépistage des toxicomanies sur le modèle états-unien. Saisie, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (Mildt) charge alors le ministère du Travail et le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) d’évaluer la conformité de cette charte avec les règles juridiques et éthiques du travail. Les avis rendus réfutent la spécificité des toxicomanies pour les traiter comme des enjeux de santé au travail, tout en cantonnant le dépistage aux seuls postes à risques.
Or, ces premières régulations révèlent une tension entre deux approches du problème: la première envisage les drogues comme un problème de sécurité au travail, la seconde insiste sur la prévention et la prise en charge de travailleurs consommant des substances psychoactives.
Les employeurs deviennent chargés de la prévention
Jusque dans les années 2000, l’action publique reste relativement discrète, laissant aux entreprises la possibilité d’adopter les mesures qu’elles jugent nécessaires. Puis débute une deuxième phase. Objet d’attention accrue des pouvoirs publics, la prévention des usages de substances psychoactives au travail fait l’objet d’actions spécifiques dans les différents Plans de lutte contre les drogues et la toxicomanie et, dans une moindre mesure, dans les Plans santé travail (PST).