Forum à Orléans : « Tous addict, un jour, mais pas pour toujours »

Un forum sur les addictions s’est tenu le 17 octobre à Orléans.

Associées à Fleury-les-Aubrais (600 agents) la métropole d’Orléans et la ville d’Orléans (3500 agents) se sont portées, parties prenantes d’une action expérimentale de l’association régionale pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT Centre Val de Loire), ce forum novateur s’inscrit dans un plan d’action global pluriannuel.

Ce forum était ouvert à l’ensemble des agents des 3 collectivités territoriales.

Organisé sur toute la journée, ce fut un forum riche et foisonnant.

En mobilisant une diversité de ressources locales, le forum offrait à ses visiteurs une grande variété d’informations au travers de 5 ateliers thématiques, 5 conférences et 7 stands.

Des ateliers déclinés plusieurs fois dans la journée, par petits groupes de visiteurs :

–          « Performance et addictions : et si nous sortions du tabou ? »

–          « Parcours avec lunettes de simulation à la prise d’alcool et de stupéfiants »

–          « Découverte de l’hypnose pour sortir de nos addictions »

–          « Expérimentons la sophrologie »

–          « Ateliers interactifs : où en êtes-vous avec le tabac ? Etes-vous accros aux écrans ? »

Dans une grande salle, se sont succédé 5 conférences :

–          « Tabac, drogues, alcool, tous responsables : votre rôle et celui du service de médecine préventive »

–          « L’addiction au travail : les complications possibles et les conduites addictives »

–          « Comprendre les phénomènes addictifs grâce à l’hypnose Ericksonienne »

–          « Naturopathie et addictions : découverte de cette approche préventive des conduites addictives »

–          « Les addictions : de la prévention aux soins »

En continu, se tenaient 7 stands tenus par divers partenaires locaux :

–          Prise en charge d’une personne addicte en situation de détresse (formateurs internes en santé / sécurité au travail)

–          Comprendre et prévenir les addictions : alcool, drogues et médicaments (GMF)

–          Conseils sur la prise en charge d’un agent, d’un collègue et accompagnement du manager (service de médecine préventive)

–          Changer les habitudes alimentaires (diététicienne)

–          Echange d’expériences avec une association locales (membre du réseau national Vie Libre)

–          Affichages pédagogiques, échanges personnalisés questionnant nos habitudes de vie sous forme de jeu et de questionnaire (naturopathe)

–          Interviews de managers (Aract)

Ce forum est le fruit d’un engagement durable des 3 collectivités

C’est un effectif global de 4100 agents, réparti dans l’habituelle grande variété des métiers en collectivités territoriales. Ces collectivités ont fait de la prévention des conduites addictives un enjeu majeur de leur politique Santé et Sécurité au Travail.

Dès les années 2000, des protocoles ayant donné lieu à des délibérations officielles ont été élaborés dans l’objectif d’outiller les managers pour faire face au risque alcool parmi les agents. Depuis 2017, sur demande de membres du CHSCT, une action d’actualisation a été impulsée pour que ces protocoles prennent en compte toutes les addictions, qu’elles soient liées ou non aux substances : tabac, alcool, drogues illicites, médicaments, travail ou jeux.

Cette initiative d’élargissement a coïncidé avec la diffusion d’une proposition de l’ARACT d’animer une expérimentation inter-entreprises sur la prévention des conduites addictives en milieu professionnel. Afin d’être mieux outillées et accompagnées dans la conduite de cet objectif interne d’élargissement, en lien avec le service de médecine préventive de la Ville d’Orléans auquel adhèrent la Métropole et la Ville de Fleury les Aubrais, ces 3 collectivités ont alors choisi d’être parties prenantes de cette expérimentation externe, aux côtés de 2 structures associatives, relevant donc du droit privé.

Mobilisant fortement le service de prévention, le processus participatif d’actualisation des process en lien avec les addictions a comporté l’étude en détail du fonctionnement de services.

Des groupes de travail ont ainsi rédigé des procédures afin d’accompagner et de prendre en charge des situations de CONDUITE ADDICTIVE ET A RISQUE. Désormais, la notion clé « de trouble du comportement » est celle retenue et utilisée « pour qualifier un agent-e qui n’est manifestement plus apte à assurer ses missions ».

Ces documents, validés par les instances paritaires, récapitulent notamment les références réglementaires, l’engagement des collectivités, les effets des addictions sur le comportement et sur la santé. Ils visent toutes les addictions et les conduites à risques, précisent quelle conduite tenir en cas de troubles du comportement, organise l’encadrement des évènements exceptionnels avec boissons alcoolisées, élargissent les contrôles prévus au règlement intérieur (éthylotest, tests salivaires…), et organisent aussi la conduite à tenir pour la reprise du travail. Sur tous ces points, des outils sont à disposition de l’encadrement sous forme d’annexes pratiques.

Sur place, les visiteurs du forum ont reçu le tirage de 2 fiches synthétiques :

  • Fiche réflexe « Procédure d’alerte à secours » récapitulant le processus lorsque le service santé au travail est en présence d’une victime
  • Fiche réflexe « Incapacité à exercer son activité professionnelle » décrivant le processus lorsqu’un agent présente des troubles caractéristiques d’un état anormal ou signe de maladie.

Diffusé en version électronique à l’ensemble du personnel territorial communal à l’occasion du forum, ces procédures ont été complétées par une note de service et actualisation du règlement intérieur exposant que « la mise en œuvre d’une politique de prévention efficace justifie de veiller à ce que les agent-es qui occupent des postes à risques ne soient pas sous l’emprise d’alcool ou de drogues pendant l’exécution de leur travail ».

Les postes concernés sont ceux comprenant les activités à risques suivantes : « L’utilisation des machines-outils et produits chimiques, la conduite de tous types d’engins, le travail en hauteur, le travail sur le réseau électrique, la restauration et le contact avec les enfants ».

Ce forum s’inscrit dans une démarche d’appropriation de l’action préventive et de son élargissement progressif

Le forum a été conçu comme vecteur de diffusion de connaissances et de meilleure compréhension de la politique poursuivie, dans sa finalité de main tendue aux agents confrontés à la maladie que sont les addictions. Pour les aider, il s’agit de savoir repérer au plus tôt les changements du comportement, et non de les sanctionner. Le « Plan d’action pluriannuel Conduites addictives en milieu professionnel » ne comporte pas de ciblage sur certains services, car ils sont tous concernés. La démarche en cours prend appui sur l’assimilation dans la durée de 3 notions clés.

1.La vigilance partagée (/Vs délation)

Dans la Fiche de constat d’incapacité professionnelle, la rubrique prévoyant la signature individuelle des témoins ayant constaté des troubles du comportement illustre l’implication générale requise de tous pour le repérage précoce. Ce qui appelle un processus continu de dépassement des préjugés. D’une part en montrant que les addictions concernent potentiellement toutes personnes, et non pas certaines catégories d’agents. D’autre part, en démontrant au fur et à mesure dans les pratiques qu’il s’agit clairement non pas de délation à effets disciplinaires mais d’une vigilance d’alerte à secours par une prise en charge avérée faisant cesser au travail les situations à risques de sécurité, tant pour l’agent concerné que pour toutes autres personnes.

2. La politique de prévention telle que déclinée dans les procédures repose en grande partie sur l’encadrement de    proximité

Un-e agent-e présentant un trouble du comportement devra être retiré-e de son poste par prévention par son supérieur hiérarchique, qui s’appuiera sur les outils suivants : protocole de conduite à tenir en cas de trouble du comportement à l’usage de l’encadrement, fiche de constat d’un trouble du comportement.

Pour son déploiement effectif, la politique de prévention requiert non seulement une pleine compréhension par les agents de la légitimité à agir, mais aussi une appropriation sans faille du rôle à tenir par les encadrants eux-mêmes, avec en continu à leur disposition un réel soutien méthodologique et logistique favorisant l’aisance et la réactivité dans la mise en œuvre des signalements. Le plan énonce un ensemble d’actions assorties d’un calendrier de réalisation à titre de sensibilisation et de communication. Il prévoie aussi d’intégrer dans la formation des managers un module de sensibilisation aux addictions.

3. Par-delà l’alcool, continuer à élargir l’objet de la prévention

Dans ces collectivités territoriales, le déploiement de la politique de prévention, ayant bénéficié d’une impulsion par les membres du CHSCT, vise à prendre en compte toutes les addictions, qu’elles soient liées ou non aux substances : tabac, alcool, drogues illicites, médicaments, travail ou jeux. Les échanges avec des agents rencontrés pendant le forum ont identifié 2 axes d’élargissement, dans la durée, de cette politique.

Sur un premier axe, il s’agit de couvrir les trois grands types d’addictions en milieux professionnels :

  • Repérer les addictions qui, classiquement, atteignent le milieu professionnel via des troubles du comportement par importation depuis la sphère privée des personnes concernées ;
  • Couvrir les pratiques addictives prospérant par appropriation dans le milieu professionnel : tel est le sens par exemple des conditions édictées restreignant l’organisation de tout événement exceptionnel avec boissons alcoolisées ;
  • Ouvrir le processus préventif vis-à-vis d’addictions potentielles par adaptation à certaines contraintes du milieu professionnel. Grâce aux outils d’analyse du travail qui furent expliqués au cours l’action collective avec l’ARACT, des membres rencontrés du CHSCT ont souligné leur souci de corréler les signalements de troubles du comportement avec l’analyse à faire des situations de travail concernées pour examiner l’occurrence de facteurs d’exposition. A titre d’illustration, on peut citer les leviers d’action pour réduire la pénibilité physique ou mentale de certains postes ou activités, ou limiter l’exposition aux urgences du flux des messageries électroniques s’agissant notamment des agents d’encadrement eux-mêmes.

Sur un second axe d’élargissement, par-delà la situation des agents, il s’agit pareillement d’être vigilant vis-à-vis de la sécurité des prestataires commandités par les collectivités territoriales. Ainsi, de même que des interventions de travail en hauteur à proximité de lignes électriques aériennes ont pu justifier une procédure préventive, de même il pourra s’agir d’intégrer en amont dans les critères de sélection la question de la prévention des addictions s’agissant de la sécurité dans les conditions de conduite des prestataires de transports.

En conclusion, la qualité de vie au travail (QVT), horizon ultime orientant toute politique préventive véritable, se décline ainsi dans cette dynamique orléanaise :

  • Proposer un véritable accompagnement collectif, sans jugement de valeurs.
  • Permettre aux collègues et à la médecine préventive une meilleure détection et suivi des personnes en souffrances.
  • Avoir une vision élargie de chaque problématique pour détecter des situations à risques psychosociaux et identifier les facteurs de protection.
  • Ne plus ignorer les problèmes d’addictions et tenter d’améliorer nos organisations pour diminuer ce phénomène.
  • Mieux concilier vie professionnelle et personnelle, pour atténuer les multiples exigences de ses vies.
  • Accompagner ne doit plus être associé à couvrir ou dénoncer. La responsabilité doit être partagée à l’ensemble des agents témoins d’une personne en détresse.

Bref, le travail doit devenir un lieu de prévention des addictions, il ne doit plus favoriser, aggraver, déclencher l’usage des substances psychoactives y compris des médicaments psychotropes ou les conduites addictives comportementales.

Voir le bilan quantitatif en annexe 

Un compte-rendu effectué par Christophe Lenoir, Inspecteur Général Honoraire des Affaires Sociales

 

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