
Cela aura nécessité 3 ans de travail, réunit 25 professionnels aux disciplines complémentaires – afin de prendre en compte la santé au travail, la santé publique et la réglementation-, pour donner naissance à 34 recommandations, pour la toute première fois, labellisées Haute Autorité de Santé. Des recommandations accessibles en ligne depuis juin 2025 dont l’objectif central est d’aider de façon pragmatique et pédagogique les services de prévention et de santé au travail, mais également les employeurs comme les travailleurs à prévenir l’usage de substances psychoactives (SPA) en milieu professionnel.
Poser des règles, un cadre, faire prendre conscience que la prévention de l’usage de substances psychoactives en milieu professionnel est l’affaire de tous, guider l’ensemble des acteurs vers la mise en œuvre de bonnes pratiques grâce à des recommandations précises. Ces recommandations, fruit d’un travail scientifique rigoureux, constituent des ressources fiables et accessibles, afin que chacun puisse, selon son degré de connaissance et son propre fonctionnement, y trouver sens, compréhension et des supports aidants sous la forme d’outils, et contribuer par ailleurs à la prévention des usages de substances psychoactives. Addict’AIDE Pro vous propose de revenir sur cette initiative unique dans son format et ses livrables, pour mieux en saisir leurs précieuses utilités : sensibilisation, information et prévention.
La Haute Autorité de Santé (HAS), une autorité publique indépendante et à caractère scientifique
Son ambition ? Développer la qualité dans le champ sanitaire, social et médico-social, au bénéfice des personnes. Créée par la loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie, elle œuvre aux côtés des pouvoirs publics, dont elle éclaire la décision, avec les professionnels, afin d’optimiser leurs pratiques et organisations, et ce, au bénéfice des usagers dont elle renforce la capacité à faire leurs propres choix.
Évaluer (médicaments, dispositifs médicaux, actes professionnels en vue de leur remboursement), recommander (bonnes pratiques professionnelles) et enfin mesurer et améliorer la qualité (dans les hôpitaux, cliniques, en médecine de ville, dans les structures sociales et médico-sociales) : voici les 3 missions centrales de la HAS. Ses valeurs racines sont celles de la rigueur scientifique, de l’indépendance et de la transparence. On comprend mieux alors toute la préciosité et la fiabilité de recommandations labellisées par cette organisation référente en France.
Les recommandations HAS qui visent la prévention de l’usage de substances psychoactives au travail : genèse, équipe pilote, spécificités, ambitions
Les recommandations mises en ligne le 12 juin 2025 par la Haute Autorité de Santé traitent d’une double dimension de la prévention : collective comme individuelle, pointant, et c’est une approche revendiquée, que l’une ne peut aller sans l’autre. Pour bien comprendre la genèse de cette démarche, arrêtons-nous un instant sur ce qui fut le terreau de cette initiative unique dans sa démarche comme dans son format.
2022, genèse de 3 années de travail pilotées par la HAS
En 2013, de précédentes recommandations sont alors élaborées conjointement par deux sociétés savantes : la Société Française d’Alcoologie (SFA) et la Société Française de Médecine du Travail (SFMT), sous l’appellation « Dépistage et gestion du mésusage de substances psychoactives susceptibles de générer des troubles du comportement en milieu professionnel ». Du fait de l’évolution des pratiques, ces entités rejointes par l’association Addictions France, proposent que soit réalisée une mise à jour intégrale (scientifique, juridique, sociale…) de ces recommandations. En 2022, à la demande de la HAS, elles élaborent une note de cadrage, point de départ de 3 années de travail.
« Si les recommandations de la SFA ont posé des fondements, il paraissait nécessaire de faire évoluer les pratiques professionnelles pour de multiples raisons : augmentation de la prévalence de la consommation, besoins des professionnels d’avoir des recommandations plus claires, évolutions des données, meilleure connaissance des facteurs de risques liés dans le milieu professionnel, des impacts sur le travail, volonté d’élargir la sensibilisation et l’information à tous les acteurs du monde professionnel… Puis il est toujours plus facile de communiquer sur des sujets importants dès lors qu’ils sont labellisés HAS. » souligne Corinne Dano, médecin du travail addictologue au CHU d’Angers qui a copiloté la rédaction de ces recommandations.
Une équipe transdisciplinaire de 25 professionnels pour une approche complète et plus globale
« Une des forces de ces recommandations, c’est le travail d’un groupe pluridisciplinaire constitué de 25 professionnels », précise Corinne Dano. Ainsi, des professionnels de santé, mais aussi DRH, préventeurs, représentants des usagers, juristes, épidémiologistes, ont chacun apporté durant 3 années leur expertise, leur regard et leur savoir pour permettre une vision globale de l’ensemble du milieu professionnel, et favoriser la prise en compte à la fois de la réglementation, de la santé au travail et de la santé publique : enjeux de ces recommandations.
« En participant au sein du groupe de travail à donner vie aux 34 recommandations labellisées HAS – Prévention de l’usage de substances psychoactives en milieu professionnel –, j’ai constaté toute la complexité d’un sujet pour lequel de nombreux préjugés perdurent. Ce fut une formidable opportunité d’échanges éclairants avec des experts addictologues, des professionnels confrontés à cette question. J’ai pu apporter ma vision « entreprise ». Nous avons croisé nos regards ainsi que nos connaissances », nous partage Karine Desgages, conseil en ressources humaines et médiatrice professionnelle, ancienne DRH au sein d’un groupe international.
Spécificités de ces recommandations, publics ciblés
Changer les regards, aider les employeurs à prendre la mesure de leur responsabilité quant à l’organisation du travail (qui peut être protectrice ou favorisante), proposer des règles aidantes qui permettent de mieux comprendre le rôle de chacun et la manière d’agir concrètement en matière de prévention de l’usage de substances psychoactives au travail, donner accès à des ressources fiables et éclairantes (rédigées dans des vocables accessibles pour tous), proposer des liens afin d’en savoir plus (références issues d’un travail scientifique rigoureux)… Ces 34 recommandations de prévention collective mais aussi individuelle, dont 30 sont des accords d’experts (ce qui pointe la nécessité de continuer à développer des études scientifiques probantes sur le sujet), visent à faire évoluer les pratiques en termes de prévention de l’usage des substances psychoactives en milieu professionnel. Elles permettent incontestablement d’apporter un appui éclairant et concret à l’ensemble des acteurs du monde du travail.
En effet, elles visent tout autant les équipes des services de prévention et de santé au travail, les employeurs, les encadrants et les travailleurs, et ce quelles que soient leurs catégories socioprofessionnelles ou le régime auquel ils appartiennent.
« Ces recommandations s’adressent aux employeurs et aux travailleurs, quel que soit le régime auquel ils appartiennent, par l’intermédiaire des services de prévention et de santé au travail du fait de leur mission de conseil. L’idée d’une mobilisation de tous les acteurs est nécessaire parce que plus que jamais, la prévention de l’usage de substances psychoactives au travail est l’affaire de tous. » souligne Corinne Dano.
« Ces recommandations ont aussi pour objectif de déstigmatiser, déculpabiliser et de favoriser un échange sincère et constructif en milieu professionnel avec les collaborateurs qui souffriraient d’une addiction. » ajoute Karine Desgages.
Ambitions de ces recommandations, une prévention collective ET individuelle
L’ambition de ces recommandations labellisées HAS est de favoriser une prévention collective mais aussi individuelle. Il est question ici de responsabilité partagée qui s’articule autour d’actions de prévention spécifiques, selon qu’elles sont collectives ou individuelles, avec comme objectif commun : la protection de l’ensemble des salariés/agents publics de la consommation de substances psychoactives, mais aussi de l’accompagnement de celles et ceux qui présentent des facteurs de vulnérabilité, ou qui sont en difficulté avec une substance (maintien en emploi d’une personne vulnérable ou souffrant d’un trouble addictif…).
D’un point de vue collectif sont notamment préconisées :
-La reconnaissance de l’usage de substances psychoactives comme un vrai risque professionnel,
-Des actions qui visent à réduire les facteurs de risque de consommation identifiés dans la fiche d’entreprise, ou dans le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) comme l’interdiction des consommations de boissons alcoolisées et son inscription au règlement intérieur,
-L’organisation de moments de convivialité (pots), de repas d’affaires et/ou séminaires sans alcool,
-La promotion de l’arrêt du tabac via le relai de la campagne nationale Mois sans tabac, la mise en œuvre de mesures d’aide au sevrage tabagique (consultations sur place ou à distance), l’accès facilité aux traitements du sevrage tabagique (traitements nicotiniques de substitution),
–Une procédure pour la prise en charge, en situation d’urgence et à distance, d’un salarié/agent qui présente un trouble du comportement (formation ou sensibilisation des salariés/agents sur les risques et la prévention des usages de substances psychoactives…).
D’un point de vue individuel, les recommandations doivent permettre notamment :
-D’encourager à réaliser un repérage individuel des usages de substances psychoactives pendant les visites de santé au travail,
-De procéder à une intervention adaptée (intervention brève et/ou orientation) en cas de repérage de risques ou de complications liés à l’usage de substances psychoactives,
-De proposer, dans l’objectif du maintien en emploi d’un travailleur qui souffre d’un trouble addictif (avec son accord et en concertation avec l’employeur), des mesures qui visent à aménager, modifier ou transformer son poste de travail et son environnement professionnel.
Bien entendu l’accompagnement individuel se fait en lien avec le service de prévention et de santé au travail, dans le respect du secret professionnel et médical.
Des fiches outils, des conseils pragmatiques et ciblés : le travail en réseau, levier d’une prévention plus efficiente
Accès en ligne à 4 fiches outils :
- À destination des employeurs :
Usage des substances psychoactives : prévention en milieu professionnel – Outil n°2 pour les employeurs
- À destination des travailleurs
Usage des substances psychoactives : prévention en milieu professionnel – Outil n°3 pour les travailleurs - À destination des services de prévention et de santé au travail :
Usage des substances psychoactives : prévention en milieu professionnel – Outil n°4 pour les services de prévention et santé au travail (SPST)
- À destination des médecins généralistes, des addictologues et des acteurs de soins de premier recours
Usage des substances psychoactives – Outil n°1 pour les médecins généralistes, addictologues et acteurs de soins primaires
Quelques informations additionnelles sur les recommandations labellisées HAS « Usage des substances psychoactives : prévention en milieu professionnel » :
– Informations et accès aux fiches outils sur notre plateforme Addict’AIDE Pro : https://www.addictaide.fr/pro/mag/recommandations-de-la-haute-autorite-de-la-sante-usage-des-substances-psychoactives-prevention-en-milieu-professionnel/
– Bonnes pratiques et messages clés de la HAS : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2025-07/reco441_substances_psychoactives_recommandations_mel.pdf
Muriel Gutierrez
Amande épicée