Pourquoi le procès pour « harcèlement moral » des cadres de France Télécom, dont les réquisitions ont été présentées ce vendredi (le parquet a requis la peine maximale : un an de prison et 15 000 euros d’amende), a-t-il tant d’importance, 10 ans après la vague de suicides qui a touché l’enteprise ? Quelles peuvent en être les conséquences ? Le dialogue de sourdsqui a semblé se tenir au cours des deux mois d’audience entre l’ancien PDG Didier Lombard et les parties civiles est la traduction de nombreuses interrogations qui restent encore sans réponse en matière de risques psychosociaux (RPS) au travail et de leur prévention. Les conclusions de ce procès ne seront donc pas uniquement l’épilogue d’une douloureuse affaire propre à l’entreprise : elles apporteront sans doute aussi des réponses à plusieurs questions, avec des retentissements qui dépasseront certainement largement les frontières du groupe de télécommunications.

Comment ajuster les politiques de prévention ?

La loi oblige les organisations françaises à préserver la santé mentale de leurs salariés. Cependant, il n’existe pas à ce jour de définition juridique du stress, des risques psychosociaux, du burn-out ou encore de la santé mentale au travail. Les organisations doivent pourtant répondre à de nouvelles obligations plus contraignantes en matière de prévention.

Pour faire face à cette pression réglementaire, les entreprises doivent arbitrer entre différentes définitions difficilement compatibles entre elles. Aujourd’hui et au regard des actions mises en place dans les organisations, on peut constater qu’elles s’inscrivent très largement dans une définition centrée avant tout sur l’individu : partant du postulat que chaque salarié réagit de manière spécifique à un même facteur de stress, repérer les situations de RPS repose alors sur l’identification des personnes « les plus fragiles ». En conséquence, la prévention passe par un accompagnement de ces publics. Ici, on cherchera à davantage adapter l’homme à son environnement de travail (par exemple une formation sur la gestion du stress ou un suivi psychologique).

Une deuxième approche place la problématique des RPS comme une conséquence de l’interaction de l’individu et de l’organisation, en mettant en avant que des situations de travail sont plus délétères que d’autres. Ici, l’évaluation consiste en l’identification de ces zones de risques, leur occurrence et leur niveau de dangerosité. Dans une dernière approche, enfin, les RPS sont vus comme une conséquence de l’évolution récente des organisations et de leur management, qui peuvent détruire les systèmes de régulation du travail. L’identification des situations de risque passe par l’étude du travail et de ses systèmes de régulation, les actions de diagnostic et prévention se situant au niveau organisationnel.

À travers le procès en cours, la reconnaissance de l’origine organisationnelle de la souffrance au travail remettrait en cause les pratiques d’évaluation et de prévention actuelles essentiellement centrée sur l’individu et obligerait à des approches plus globales pour mieux rendre compte de la dimension organisationnelle de la santé au travail.

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