Le Docteur Dominique Delahaigue, médecin coordinateur de la partie industrielle du groupe Arcelor Mittal Atlantique Lorraine (AMAL) dirige la médecine du travail du site de Montataire depuis 1979. « Mais ce n’est qu’en 96 que je me suis attaquée à la lutte contre les addictions » explique-t-elle. «Malheureusement, il a fallu un déclencheur. Un grave accident sur une ligne où deux collègues se sont mal coordonnés. L’un des deux était ivre, or l’enquête n’a jamais mentionné le moindre problème d’alcool. Le directeur du site a alors décidé de faire d’une pierre deux coups et de s’attaquer à la fois à l’addiction et à l’omerta qui l’accompagne trop souvent. »

Une équipe projet a été réunie comptant managers, RH, com, médecin, infirmière, QSSE, et avec l’aide de l’ANPA. Leur travail a été très poussé et a permis d’écrire, pour la première fois, des procédures et les bases des formations qui auraient lieu par la suite.

Depuis 2000 et le site de Montataire, la réflexion a gagné Florange, grâce à Anita Bodard, qui appartenait à la même équipe et a été nommée là-bas, puis Bassindre, puis tous les sites du groupe.

«Il a fallu un autre accident grave, et la découverte que le chef de poste était au téléphone et sous l’emprise de cannabis, pour que les addictions soient traitées au niveau du groupe, » poursuit Dominique Delahaigue. « J’ai accepté de m’occuper de la démarche, à la condition que ce soit bien une démarche de prévention et pas une chasse aux sorcières. On ne peut pas résoudre ce genre de problèmes par la sanction».

Elle pilote donc ce qui est devenu le « Plan santé 2016-2020 » et fait partie de la politique santé et sécurité du groupe. Le prendre sous l’angle de la sécurité a permis de lever de nombreux obstacles. Chez Arcelor Mittal, étant donnés les risques de déplacements lourds, de chaleur, la sécurité fait l’objet de procédures extrêmement précises, et la santé est au service de la sécurité.

« On a repris ce que faisaient les 7 sites, pour prendre les « best practices », consolider et harmoniser. La démarche est donc portée par la Santé mais est l’affaire de tous : depuis la direction jusqu’au salarié, en s’appuyant sur le manager, qui est un acteur majeur. »

Le plan conduite addictive compte 4 axes :

Axe 1 : règlement intérieur et protocole.

Des protocoles très précis sont mis en place.

Axe 2: formation des acteurs

Objectif : former la totalité des managers sur 1 journée (repères en addictologie définitions etc, démarche AMAL. Pour les salariés on a intégré l’addiction à la formation « take care » (sécurité) de 5 jours avec un module de 2 heures animés par les infirmières sur les addictions : notions d’addictologie, repères sur sa consommation. 3321 personnes formées sur 2017-2018.

Axe 3 : accompagnement des salariés

Accompagnement bi ou tripartites entre le salarié et le médecin, ou le salarié, le manageur et le médecin, avec des objectifs précis et un calendrier, mis en place à partir du moment où il y a eu un problème avéré ou une visite médicale où on a détecté un problème.

Axe 4 Gouvernance

Un comité AMAL + un comité par site à on met ensemble conduites addictives et RPS. Partenaires sociaux intégrés dans les comités.

Le principe en est « zéro alcool » : on n’a plus le droit d’introduire ni de consommer quelque boisson alcoolisée que ce soit sur le périmètre d’un site AMAL. En revanche il est autorisé d’avoir bu de l’alcool au déjeuner (jusqu’à 0,3 g/L, vs 0,5 pour le code de la route, soit 1 verre standard), si l’on prend son poste juste après.

« Notre vision insiste sur le fait qu’il s’agit d’une démarche préventive, non coercitive. Et qui se veut humaine, structurante, responsabilisante et pérenne. Nous revendiquons une « Vigilance partagée » : je suis responsable de ma sécurité mais suis aussi sensible à celle des autres. C’est mon droit et mon devoir, si je vois quelqu’un qui se met en danger, de le prévenir, quel que soit le niveau hiérarchique.

C’est donc bien les mêmes principes que toutes les démarches risques du groupe, étendus à la santé, et notamment pour les risques liés aux addictions. »

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