En finir avec la guerre aux drogues
Un essai de Jean-Pierre Couteron, Jean Félix Savary, Pierre-Yves Geoffard et Yann Bisiou
L’Esprit frappeur, 139 pages, 22 septembre 2021
« Aujourd’hui, des digues s’effondrent. Le discours qui s’est longtemps résumé à dire que « les drogues, c’est de la merde » ne prend plus ; la régulation du cannabis n’est plus un sujet tabou, l’ouverture de salles de consommation à moindres risques non plus. De plus en plus de pays s’y mettent.
Alors que le sujet devient plus clair, le débat peine à s’approfondir. Depuis trente ans, les mêmes questions et souvent les mêmes réponses dans les médias ou en politique. Les drogues, tout le monde en parle mais personne ne sait vraiment ce qu’il en dit. Lorsqu’on dépasse le préjugé, le sujet est sensible. « Dites-moi comment vous traitez les consommateurs de drogues et je vous dirai dans quelle société vous vivez. »
Entre libertés publiques et vie privée, sécurité et santé, les drogues sont le miroir d’une société qu’on aimerait vous raconter.
Jean-Pierre Courteron, Jean Félix Savary, Pierre-Yves Geoffard et Yann Bisiou, Quatre experts du sujet se sont réunis pour écrire ce livre, véritable outil pédagogique pour comprendre et se faire un avis. » Quatrième de couverture
Il est important d’aiguiser son regard sur les politiques publiques en matière de lutte contre les stupéfiants et de faire le constat que cette guerre aux drogues perd inéluctablement de sa pertinence. Comment réguler le marché plutôt que tenter utopiquement de l’anéantir ? C’est bien la question qu’il faut se poser, loin de toute idéologie strictement prohibitive ou libérale qui nous déresponsabilise.
Alcool mon amour
Un roman d’Andréas Becker
Editions d’en bas, 256 pages, octobre 2021
« Alcool mon Amour. Provocation ? Non, véritable aveu. Émotion pure. Cette immense difficulté de gérer nos émotions. Une histoire d’amour singulière se noue entre deux êtres vulnérables, alcooliques, trop sensibles. La dépendance et la maladie les empêchent d’assumer leurs sentiments et les jettent dans des aventures terribles. Pourtant, leur amour renaît, se montre fort, beau et vivant. Est-ce que ce sera suffisant pour vaincre la maladie ? Andréas Becker, accompagné d’un groupe de personnes anciennement dépendantes, donne dans ce livre une belle réponse. C’est un texte qui dit vrai, sans être larmoyant, c’est du direct sans être brutal, c’est toujours humain, même dans les moments les plus durs et les plus difficiles, ou peut-être, surtout dans ces moments de souffrance où naît l’espoir. Ce livre est écrit à partir du vécu de personnes anciennement dépendantes. Rien n’est inventé, rien n’est gratuit, mais tout est toujours empreint d’une grande tolérance. Il ne s’agit pas d’un déballage écœurant d’un destin individuel, mais d’une recomposition dans la nécessaire tension d’un récit littéraire. » Quatrième de couverture
Les récits de dépendance à l’alcool se suivent mais ne se ressemblent pas toujours, d’autant que la fiction, mais aussi une langue littéraire très personnelle, sont ici au service d’une narration non pas autocentrée, comme souvent, mais en ouverture vers les autres et ce qui fait lien, à savoir en l’occurrence, l’alcool. On vit avec, on communique avec, on lui fait l’amour, et la difficulté de s’en séparer se complique alors. Pas de récit de sevrage ici, juste un parcours de vie imbibé à deux, à trois, à quatre où l’alcool, cet Amour, occupera une place de choix à défaut d’être la meilleure. Les relations se construisent ou se défont grâce ou à cause de l’alcool, et on fait au mieux pour l’oublier à l’occasion ou pour l’intégrer à sa relation sentimentale… Ce récit vaut le détour pour la simple et bonne raison qu’il est inévitablement unique et à voix multiples.
Les raisins de la domination
Une histoire sociale de l’alcool en Tunisie à l’époque du Protectorat (1881-1956)
Un ouvrage de Nessim Znaien
Editions IRMC – Karthala, 420 pages, 07 octobre 2021
« La colonisation modifie-t-elle la vie quotidienne des populations ? C’est à partir de ce questionnement global que Nessim Znaien aborde l’histoire de la Tunisie du Protectorat (1881-1956). En analysant la correspondance de la haute administration, la presse, les écrits littéraires, les archives policières, judiciaires et hospitalières, cet ouvrage traite d’un type de produits particuliers en terre d’islam : les boissons alcoolisées.
Malgré l’interdit religieux touchant le vin et les boissons alcoolisées et auquel est soumise la majorité musulmane de la population, différentes élites convergent, à partir du début du XXe siècle, pour inventer une tradition viticole tunisienne. Il s’agit alors de justifier la plantation de vignes, que les colonisateurs français imposent à partir des années 1890, pour fournir le marché métropolitain en vin, dans le contexte de la crise de phylloxera qui affecte une grande partie du vignoble français. Cette production de vin entraîne un essor de la consommation des boissons alcoolisées en Tunisie. Les paysages ruraux du Nord du pays se couvrent de vignes tandis que les principales villes voient leur nombre de débits de boissons augmenter. Cette « démocratisation » de l’alcool finit par poser un problème politique aux autorités coloniales et aux élites nationalistes tunisiennes et engendre une vague prohibitive dès la Première Guerre mondiale, à son apogée dans les années 1930. Dans les vingt dernières années du Protectorat, l’ivresse publique et la consommation de boissons alcoolisées par les musulmans font de moins en moins réagir les élites tunisiennes et françaises. On observe alors une banalisation de la consommation d’alcool, alors que celle-ci continue d’augmenter.
Dans une approche fondée sur la culture matérielle et l’histoire de l’alimentation, cet ouvrage aborde l’histoire des boissons alcoolisées comme un « fait total », révélatrice aussi bien des mentalités politiques et religieuses, que des niveaux de vie économiques et des rapports de domination à l’intérieur des sociétés. » Quatrième de couverture
Il est toujours intéressant de tenter de comprendre comment l’alcool peut s’inscrire culturellement et politiquement dans certaines populations, et pour ceux qui associent trop systématiquement la religion musulmane à une prohibition totale de l’alcool, un autre ouvrage mérite d’être lu. C’est un récit-enquête à la première personne de Lawrence Osborne, titré « Boire et déboires en terre d’abstinence ». Il balaie un certain nombre d’idées reçues et de préjugés…
Family Business – saison 3
Une série télévisée en 6 épisodes de Billy Corben
Diffusion Netflix à partir du 08 octobre 2021
Dans cette série française, tout commence le jour où, « apprenant que le cannabis va être légalisé, Joseph, entrepreneur raté, décide de transformer, avec l’aide de sa famille et de ses amis, la boucherie casher de son père et d’ouvrir le premier coffeeshop de marijuana de France. » De cette lubie persistante et de la pugnacité de Joseph découleront un certain nombre de péripéties qui donneront naissance, malgré tout et grâce à certaines connexions plus ou moins bien venues, à un business clandestin et florissant, bien loin d’une légalité toujours pas à l’ordre du jour en France…
Synopsis de la saison 3 : « Après un kidnapping spectaculaire, les Hazan se retrouvent prisonniers d’un gang rival, quelque part en Amérique du Sud… Ils vont devoir compter sur l’ingéniosité et le talent légendaire de chacun des membres de la famille pour s’évader, à leur façon…
Mort à Mud Lick
Un récit de Eric Eyre
Editions du Globe, 336 pages, 13 octobre 2021
« 2005 : William « Bull » Preece, quarante-cinq ans, est découvert mort dans son mobile home rouillé d’une overdose а l’oxycodone, un opioïde puissant délivré sur ordonnance. Debbie Preece, sa soeur, se l’est juré : Bull ne sera pas un autre chiffre dans le bilan humain désastreux des Appalaches. Bébés nés dépendants, familles détruites… Le taux de décès par overdoses aux opioïdes a quadruplé en quelques années.
2013 : Eric Eyre travaille depuis quinze ans а la Charleston Gazette, dont la devise est « s’indigner sans relâche ». Il a reçu un coup de téléphone : des liens suspects existent entre le procureur général de l’Etat et l’industrie pharmaceutique. Comment sept cent quatre-vingts millions de comprimés d’oxycodone et d’hydrocodone ont-ils pu être déversés en Virginie-Occidentale sans que personne ne dise un mot ? Comment une pharmacie, celle où Bull se procurait ses comprimés, a-t-elle pu vendre plus de deux millions d’analgésiques, autrement dit d’antidouleur, dans une ville qui ne compte que trois cent quatre-vingt-deux âmes ? Et si Bull avait été la victime, parmi tant d’autres, d’un vaste trafic, juteux pour les uns, mortel pour les autres ? Pablo Escobar et El Chapo n’auraient pas mieux organisé les choses. Eric le pugnace entreprend de remonter le fil, et ce qu’il découvre dépasse l’entendement. » Quatrième de couverture.
La bandeau qui entoure la couverture, en jaune sur fond noir, présente l’ouvrage comme « L’enquête qui a révélé la crise des opioïdes aux Etats-Unis ». Mais si l’on sait désormais que ces produits ont été présentés sous un jour bien trop favorable, notamment par le laboratoire américain Purdue Pharma, la crise, elle, n’a pas eu besoin de cette enquête pour être révélée. Il a suffi malheureusement que les morts par overdose se comptent par dizaine de milliers pour que le constat soit accablant. La tromperie était de taille, et les dégâts tout autant…
Les héroïques
Un film de Maxime Roy
Sortie en salles le 20 octobre 2021
« Michel, ancien junkie, est un éternel gamin qui ne rêve que de motos et traîne avec son grand fils Léo et ses copains. À cinquante ans, il doit gérer le bébé qu’il vient d’avoir avec son ex, et se bat pour ne pas répéter les mêmes erreurs et être un mec bien. » Synopsis présenté dans le dossier de presse.
« Le film parle d’une population difficile à définir et à identifier, ces gens à la marge, un peu « déviants », montrés du doigt pour leurs dépendances, parce que, d’une certaine façon, ils expriment leur mal-être. A un moment donné, ils s’écartent de la société et tombent dans la précarité. Michel ne rentre pas dans les cases, il fait partie d’un autre temps, il ne s’adapte pas à une société difficile où les codes ont changé, mais il a des qualités, un savoir-faire… … Les héroïques, c’est toute une communauté de gens qui se battent pour tenir debout. Les personnages des Héroïques, on ne les regarde pas dans la vie de tous les jours. Ils sont presque invisibles. J’ai voulu mettre de la lumière sur ces gens qui sont dans l’ombre. » Extraits d’un entretien avec le réalisateur Maxime Roy
Pour Michel, ce « héros » en processus de sevrage, réussir à rester abstinent est un exploit de plus dans un environnement matériel et familial loin d’être confortable. Les galères s’accumulent et Michel tente de tenir debout, de ne pas retoucher à l’alcool, au skenan, ou à la méthadone par exemple, produits qui l’ont accompagné quelques décennies et dont son corps doit effacer la trace et le souvenir, comme le dit si bien l’accompagnant d’un centre d’accueil et de soin… Ici encore les Alcooliques Anonymes ont leur place et permettent à Michel d’échapper aux grands moments de solitude qui accompagnent son parcours de vie chaotique. Ces deux fils de dix-huit et un an seront finalement deux de ses principales bouées de sauvetage…
Ici je vais pas mourir
Un film documentaire de Cécile Dumas et Edie Laconi
Sortie en salles : 20 octobre 2021
« Une salle de consommation de drogue à moindre risque a ouvert à Paris. Beaucoup ne font qu’y passer, certains s’y arrêtent. Parmi eux il y a Marco, Cilo, Julie, Hervé… qui la fréquentent quotidiennement. Halte hors de la violence de la vie dans la rue, ils viennent ici pour s’injecter loin des regards mais aussi se reposer, soigner leur corps, retrouver un peu de dignité et d’humanité. » Synopsis présenté dans le dossier de presse.
« Le territoire visible du film est enclos dans la salle de consommation. Elle est un lieu protégé du monde. C’est à ce titre que nous choisissons d’entrer dans la salle parce qu’elle offre, bien mieux que la rue, la possibilité, le temps, et les conditions de rencontrer les consommateurs de drogue. La salle est une île, une halte hors de la violence du dehors, la possibilité de consommer des drogues sous la supervision des professionnels de l’association, des soins, des paroles, de la considération. » Extrait d’un entretien avec Cécile Dumas, la réalisatrice
Ici nous n’entendrons que les mots du dedans, ceux des usagers de drogues à qui l’on donne la parole et un espace de paix et de tranquillité, loin de l’agitation d’une ville qui peut abîmer ou des récalcitrants qui dès le début du projet d’installation de cette salle de consommation à moindre risque ont exprimé leurs doutes, les craintes et leurs mécontentements. Du dehors de cette salle parisienne nous ne verrons pas grand-chose certes (Seul un écriteau, suspendu à une fenêtre d’un immeuble haussmannien nous rappelle l’opposition de certains riverains), mais il suffit de jeter un oeil aux bobos physiques et t’entendre les parcours de vie chaotiques des uns et des autres pour appréhender l’impact de la précarité et des conditions d’usages en extérieur. Comme l’explique l’une des usagères présente dans la salle : « Je viens quand je suis sur Paris. Ca m’évite d’être dehors en train d’essayer de me mettre un shoot devant tout le monde, surtout que j’y arrive pas alors je passe je ne sais pas combien de temps, ça fait plus d’une demi-heure que je suis dans la salle. Normalement c’est limité à vingt minutes mais je suis incapable de le faire en vingt minutes. C’est quand même pratique d’être cachée, d’être tranquille le temps de se soigner. Au moins je peux repartir toute la journée après je suis tranquille. Sinon faut se caler dans un parking, dans un truc, toujours être dégagé à droite et à gauche… »
Questionner encore l’opportunité d’ouvrir pour les consommateurs et les consommations d’autres lieux d’accueil comme celui-ci ou celui de Strasbourg, les seuls en France, c’est remettre en cause la nécessité d’approfondir encore et toujours une politique de réduction des risques et des dommages qui a de beaux jours devant elle… Et si ce film documentaire était aussi largement diffusé que nous l’espérons, alors gageons que le regard et les représentations sur cette thématique des usages de stupéfiants et de la prise en charge des usagers précaires évolueraient dans le bon sens, c’est-à-dire celui d’une attention humanisée loin du désir persistant de plus de répression et d’une stigmatisation encore oppressante…