28 juin 2018 - Plan prévention du lobby de l'alcool : surtout ne rien faire pour la santé !

Au moment-même où Mediapart démontre sans ambiguïté l'intensité des relations entre le lobby de l'alcool et l'Elysée, avec l'ancienne déléguée générale du lobby Vin & Société à la manœuvre, la filière économique a sorti hier son propre plan de prévention en santé.

Alcool

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Au moment-même où Mediapart démontre sans ambiguïté l’intensité des relations entre le lobby de l’alcool et l’Elysée, avec l’ancienne déléguée générale du lobby Vin & Société à la manœuvre, la filière économique a sorti hier son propre plan de prévention en santé. L’ANPAA, se fondant sur son expertise et expérience terrain, publie aujourd’hui une version revue et corrigée permettant de compléter la contribution sur des points essentiels.

 

Le plan remis hier par la filière économique de l’alcool est un coup de force et une provocation à plusieurs titres :

  • Evidemment, il n’y a eu aucune concertation, ni information formelle avec les acteurs de santé. Sûr de l’appui de l’Elysée, le lobby ne prétend même pas faire semblant de négocier.
  • Le lobby économique impose ce qu’on accepterait d’aucun lobby, que ce soit celui du tabac, du médicament ou de l’alimentation. Que dirait-on si les cigarettiers s’imposaient de la sorte au ministère de la santé ?

Quant au contenu des propositions, les objectifs affichés ne sont suivis d’aucun engagement précis, d’aucune contrainte ni interdiction qui permettrait des effets concrets. De simples vœux pieux et déjà formulés qui devraient « promouvoir », améliorer », « favoriser la responsabilité » etc. On ne peut qu’admirer l’alignement des mots creux afin que rien ne change, l’absence d’objectif quantifié qui pèserait sur la filière, et qui permettrait d’évaluer les résultats.

L’information des consommateurs est traitée avec la désinvolture de ceux qui sont sûrs de leur influence.

Enfin, cerise sur le gâteau, le lobby propose naturellement de s’en remettre à l’autorégulation des professionnels, c’est-à-dire à eux-mêmes, alors que toutes les études internationales démontrent, quel que soit le domaine, que la seule auto-régulation des professionnels ne marche jamais. C’est d’ailleurs pourquoi les différents lobbies la proposent, elle est inefficace.

Depuis des mois, nous attendons la publication du Plan gouvernemental de prévention des conduites addictives, sans cesse retardé. Aujourd’hui nous en avons l’explication, le volet alcool était en cours de rédaction par Vin & Société, avec la bénédiction d’Audrey Bourolleau à l’Elysée.

Ce « plan santé » des alcooliers est un camouflet à Santé Publique France et à l’Institut national du cancer[1], dont les recommandations de leurs experts, publié en mai 2017, sont balayées. Il est vrai qu’elles avaient le grand tort d’offrir un cadre précis et des propositions concrètes.

Les alcooliers veulent bien mettre de l’argent au pot, mais sous leur contrôle exclusif, pour être assurés que leurs intérêts seront préservés, plutôt que soutenir la création d’un fonds d’action prévention et de recherche financés par une part des taxes (mesure 7 du rapport SPF-Inca). Surtout que les acteurs de santé ne s’en mêlent pas trop, sinon pour exécuter les désidératas du lobby alcoolier. C’est pour rappeler que ces recommandations existent que l’ANPAA publie aujourd’hui, sous forme de version revue et corrigée, un contre-plan permettant de traiter la question dans ses différentes dimensions.

Madame la ministre de la santé, aucun pays ne s’est fait dicter avec une telle arrogance sa politique de santé par un lobby. Dans aucun pays, un lobby ne s’est permis d’élaborer une politique de prévention en santé alors que les conflits d’intérêts sont patents et publics.

L’ANPAA demande instamment qu’on en revienne aux sages recommandations de l’OMS Europe : « L’industrie des boissons et les entreprises et organisations connexes doivent jouer un rôle essentiel dans les mesures prises pour que la production, la distribution, la promotion et la vente de boissons alcooliques répondent aux normes les plus élevées d’éthique des affaires. Les politiques de santé publique concernant l’alcool doivent être élaborées par des représentants de la santé publique, sans ingérence d’intérêts commerciaux. La participation de l’industrie des boissons et des entreprises et organisations de ce secteur à l’éducation des jeunes et aux activités destinées à la jeunesse pose un problème, étant donné que leur soutien, direct ou indirect, pourrait être considéré comme une tentative d’obtenir de la crédibilité auprès des jeunes ».

Madame la ministre de la Santé, nous avons connu et apprécié votre courage et votre engagement. Il est temps aujourd’hui pour vous de reprendre la main sauf à abandonner toute ambition en matière de prévention. Nous espérons que notre contribution pourra vous y aider.

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[1] https://www.santepubliquefrance.fr/Actualites/Avis-d-experts-relatif-a-l-evolution-du-discours-public-en-matiere-de-consommation-d-alcool-en-France-organise-par-Sante-publique-France-et-l-Inca

 

 

 

>> Télécharger la contribution revue et corrigée par l’ANPAA

 

 

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