Comment peut-on encore exiger une tolérance zéro sur le THC, quand l’offre légale risque, de par les traces de THC présentes dans les fleurs « spéciales CBD », de faire réagir un test salivaire ?
Bernard Basset : Les tests salivaires ne détectent pas le CBD (cannabidiol), mais uniquement le THC. Comme vous l’indiquez, les produits contenants du CBD contiennent ou peuvent contenir des traces de THC (en France moins de 0,2 % de THC). À noter qu’en Suisse la législation fixe un seuil de 1% de THC autorisé.
Le problème, c’est donc bien la teneur en THC des produits étiquetés CBD. Une publication de 2019 objectivait des taux de THC variables : « Ces concentrations en THC notamment dans les fleurs et l’huile peuvent représenter une quantité non-négligeable par rapport à un joint standard estimé à 7 mg de THC ». Ainsi, on ne peut exclure formellement qu’un test de dépistage du THC revienne positif au THC, tout dépendra de la quantité de THC contenu dans le produit « étiqueté » CBD consommé. En l’état actuel de la législation, il convient donc d’être prudent quant à la fiabilité des fournisseurs de CBD pour ne pas se trouver dans une situation délicate en cas de contrôle.
Quid d’une légalisation du cannabis, comme cela se fait très bien ailleurs avec moultes bons résultats ?
BB : La légalisation du cannabis fait actuellement l’objet de nombreux débats, y compris au Parlement, en raison de l’inefficacité de la politique actuelle dont l’objectif est l’absence de consommation par la prohibition. Aujourd’hui, le cannabis est un produit de consommation de masse et 50 ans après la loi de 70 sur les stupéfiants, on ne peut qu’en constater l’échec. Différents modèles étrangers de légalisation (USA, Canada, Uruguay) sont actuellement en cours de développement et l’OFDT les suit tous attentivement pour établir les effets de chacun d’entre eux.
Quelles poches politiques reçoivent de l’argent pour être autant à côté de la plaque ?
BB : Il est peu probable que les positions différentes au sein de la classe politique relèvent de la corruption. Il s’agit le plus souvent d’options idéologiques et morales, qui s’opposent souvent à une approche pragmatique basée sur l’examen des faits sans a priori. La très grande majorité des acteurs de l’addictologie sont en faveur d’une légalisation du cannabis sur la base du constat de la consommation de masse d’une part, et d’une économie souterraine qui enrichit les circuits criminels d’autre part. Enfin, il ne faut pas occulter le fait que des lobbies commerciaux s’organisent, notamment en Amérique du Nord, et constitueront des groupes de pression économiques en cas de légalisation du cannabis.
En prenant le modèle portugais, qu’est-ce qui pousse les politiques à criminaliser, plutôt que développer prévention/éducation/prise en charge thérapeutique ?
BB : La politique portugaise aboutit à une moindre consommation, alors qu’elle est moins répressive. C’est pourquoi, cette option politique portugaise alimente le débat actuel en France, alors que notre pays a choisi un modèle différent, dont on constate qu’il n’est pas efficace en termes de prévention de la consommation de drogues, dont en premier lieu le cannabis.
Quel lien peut-il exister entre politique et lobbies pharmaceutiques, pour vouloir que toutes solutions viennent de la chimie ?
BB : Tous les secteurs économiques s’organisent pour défendre leurs intérêts commerciaux. C’est vrai de l’industrie pharmaceutique, mais ça l’est aussi de l’alimentation, de l’alcool, des jeux en ligne, etc. Un des moyens utilisés est d’influencer les politiques pour avoir des lois ou des réglementations favorables à leur activité, par des actions de relations publiques notamment.
Il appartient aux citoyens d’être vigilants sur ces opérations de lobbying pour que les intérêts privés n’aillent pas à l’encontre de l’intérêt collectif. De nombreuses associations y veillent de manière militante, analysent l’action des politiques et dénoncent les manquements. Mais l’efficacité de leur action dépend du nombre et de l’investissement de leurs adhérents, alors que les industries, elles, disposent de budgets spécifiques pour mener leurs actions de lobbying.
Quid de la transparence et de l’indépendance de structures telles que Tabac-Infos-Service, qui s’organise un monopole national de la prise en soins en tabacologie ?
BB : La plateforme Tabac Info Service (TIS) est un outil pour informer les fumeurs et les aider à arrêter de fumer. Santé publique France qui est une agence nationale dont dépend de fait TIS apporte une garantie pour les personnes qui y ont recours. Mais il est tout à fait possible de trouver des informations utiles sur d’autres sites, notamment sur Addict’Aide. Et chacun est libre de choisir le professionnel auquel il s’adresse s’il souhaite arrêter de fumer.
La prévention quant au temps passé sur les écrans chez les jeunes et leur apprentissage à gérer leur vie en ligne, est-elle existante ? À partir de quel âge ?
BB : Il existe des recommandations quant au temps passé devant les écrans par les jeunes. Ces recommandations ont été émises par des sociétés savantes comme l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire qui a ainsi proposé la « Règle 3-6-9-12 » qui s’énonce ainsi :
Pas d’écran avant 3 ans, ou tout au moins les éviter le plus possible ;
Pas de console de jeu portable avant 6 ans ;
Pas d’Internet avant 9 ans, et Internet accompagné jusqu’à l’entrée au collège
Internet seul à partir de 12 ans, avec prudence
Pour les jeunes, un accompagnement des parents est nécessaire. Il faut définir avec l’enfant des règles d’usage, convenir d’horaires prédéfinis de navigation, mettre en place un contrôle parental…, et instaurer des plages sans écran.
Des professionnels de l’addictologie peuvent apporter leur aide aux enfants en difficulté et à leurs parents.
En savoir plus sur la politique addiction en consultant notre page « Addictions et société »