Addiction aux aliments ultra-transformés aux USA

Une étude transversale chez plus de 200 américains, parue dans Addiction.

Autres addictions comportementales
Addiction aux aliments ultra-transformés aux USA
Freepik
Cette étude s’intéresse à l’addiction aux aliments ultra-transformés (UPF, ultra-processed foods) chez les adultes âgés américains. Les auteurs partent du constat que ces produits — caractérisés par des teneurs artificiellement élevées en sucres raffinés, graisses ajoutées et additifs industriels — se sont massivement diffusés dans l’environnement alimentaire des États-Unis à partir des années 1980. Plusieurs travaux ont déjà suggéré que la consommation excessive d’UPF pouvait susciter des comportements analogues à ceux observés dans les troubles addictifs. Cette recherche vise donc à estimer la prévalence d’une « addiction aux aliments ultra-transformés » (UPFA, ultra-processed food addiction) chez les personnes âgées de 50 à 80 ans, ainsi qu’à analyser ses liens avec la santé physique, mentale et sociale.

Il s’agissait d’une enquête transversale menée en juillet 2022 dans le cadre du National Poll on Healthy Aging (NPHA) de l’Université du Michigan. Le sondage, administré en ligne et par téléphone, a inclus 2 038 participants représentatifs de la population américaine des 50-80 ans (âge moyen : 63,6 ans ; 51,2 % de femmes). Environ la moitié (49,4 %) avaient entre 50 et 64 ans. La dépendance aux UPF a été évaluée à l’aide d’une version adaptée de la Yale Food Addiction Scale 2.0, un instrument validé qui transpose les critères diagnostiques des troubles liés à l’usage de substances (DSM-5) à la surconsommation d’aliments. Les participants ont également auto-rapporté leur état de santé physique et mentale, ainsi que leurs sentiments d’isolement social. Des analyses distinctes ont été effectuées selon le sexe, en contrôlant l’âge, l’origine ethnique, le niveau d’éducation et le revenu.

Les résultats montrent que 12,4 % de l’échantillon réponden aux critères d’addiction aux aliments ultra-transformés. Ce taux est nettement plus élevé chez les femmes (16,9 %) que chez les hommes (7,5 %), atteignant même 21 % chez les femmes de 50-64 ans. Le surpoids est fortement associé à l’UPFA : les hommes en surpoids ont une probabilité environ 19 fois supérieure (IC 95 % : 5,26-69,66) de répondre aux critères, et les femmes en surpoids une probabilité 11 fois supérieure (IC 95 % : 4,56-28,71).

La santé perçue apparaît aussi déterminante. Les participants (hommes et femmes) qui se déclarent en moins bonne santé physique ont un risque accru d’UPFA : environ × 2 chez les femmes (PR = 1,93 ; IC 95 % : 1,26-2,98) et × 3 chez les hommes (PR = 2,99 ; IC 95 % : 1,70-5,26). De même, les personnes qui signalent une mauvaise santé mentale ont des probabilités nettement plus fortes : × 2,8 chez les femmes (PR = 2,78 ; IC 95 % : 1,79-4,32) et × 4 chez les hommes (PR = 4,02 ; IC 95 % : 2,19-7,38). Enfin, le sentiment d’isolement social est également corrélé : les femmes qui se sentent isolées sont 3,4 fois plus susceptibles d’être concernées, et les hommes 3,35 fois.

Les auteurs concluent que l’addiction aux aliments ultra-transformés est relativement fréquente chez les adultes plus âgés américains, en particulier chez les femmes ayant grandi dans les décennies où la qualité nutritionnelle de l’alimentation américaine s’est détériorée. Ce trouble s’accompagne d’une moins bonne santé physique et mentale, ainsi que d’une vulnérabilité sociale accrue. Ces résultats suggèrent que les mécanismes addictifs liés aux UPF constituent un enjeu majeur de santé publique, notamment pour les générations exposées très tôt à ces produits. L’étude plaide pour une meilleure reconnaissance clinique du phénomène et pour des politiques de prévention qui ciblent la consommation d’aliments ultra-transformés dans les populations âgées.