Pourquoi avoir fait cette recherche ?
Les frontières entre gaming (jeux vidéo) et gambling (jeux d’argent et de hasard) tendent à s’estomper. En effet, l’utilisation des loot boxes (ou boîtes à butin qui sont des caisses ou coffres virtuels que les joueurs peuvent obtenir en jouant ou en les achetant avec de l’argent réel ou virtuel), le recours aux microtransactions (petits montants de quelques centimes ou euros qui permettent d’accéder à du contenu exclusif ou à des avantages améliorant l’expérience de jeu), ou encore l’apparition de jeux de casino sociaux, introduisent des mécanismes proches des jeux d’argent dans les jeux vidéo. Cette évolution inquiète les chercheurs, les parents et les institutions européennes qui formulent l’hypothèse selon laquelle les enfants qui jouent beaucoup aux jeux vidéo pourraient être plus à risque de jouer aux jeux d’argent à l’âge adulte. Cette recherche visait à tester cette hypothèse avec des données de suivi longitudinal chez des jeunes irlandais.
Quel est le but de cette recherche ?
Vérifier si l’usage de jeu vidéo durant l’enfance (à 9 ans) et l’usage du jeu vidéo à l’adolescence (17 ans) et au début de l’âge adulte (20 ans) sont associés à une fréquence augmentée de jeu d’argent à 20 ans.
Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?
Les chercheurs ont évalué 8 568 enfants nés en 1998 issus d’une cohorte irlandaise nommée Growing Up in Ireland et qui étaient régulièrement suivis à 9, 17 et 20 ans. Les mesures portaient sur l’usage de jeu vidéo à 9, 17 et à 20 ans et sur la pratique de jeux d’argent (casino, paris, jeux en ligne) à 17 et 20 ans. Des modèles de régression logistique ont été utilisés pour déterminer si des liens existaient entre les pratiques de jeux d’argent et les activités de jeux vidéo.
Quels sont les résultats principaux à retenir ?
Tout d’abord les résultats montrent qu’il n’y aurait pas d’effet de l’usage du jeu vidéo à 9 ans sur les comportements de jeux d’argent à 20 ans. Par contre il existerait une association à l’adolescence avec un risque 1,4 fois plus élevés d’avoir une pratique de jeux d’argent en ligne à 20 ans lorsque les participants jouaient aux jeux vidéo en ligne à 17 ans. Et ce risque serait 1,7 fois plus élevés chez les usagers de jeux vidéo en ligne à 20 ans par rapport à ceux ne reportant pas jouer à cet âge. Les chercheurs ont trouvé également que les adolescents de 17 ans ayant une durée de jeux vidéo > 2 h/jour avaient un risque 2,7 plus élevés d’avoir une pratique de jeux d’argent à 17 ans. Enfin, les garçons sont nettement plus nombreux à jouer en ligne et à avoir une pratique de jeux d’argent.
Il existe quelques limites dans cette étude, ce sont des données auto-rapportées avec un risque de sous-déclaration, le jeu d’argent pathologique n’a pas été mesuré, seulement la fréquence de jeux d’argent, ce qui ne préjuge pas du caractère problématique ou non de la pratique. Enfin, les données portent sur une cohorte de personnes nées en 1998, ainsi les résultats pourraient être différents entre la génération Z (née entre 1997 et 2012) et la génération Alpha (née entre 2013 et 2025) car cette dernière a été exposée plus tôt aux loot boxes et aux microtransactions.
Quels sont les points-clés à retenir ?
Ce travail montre que jouer aux jeux vidéo tôt (à 9 ans) n’augmenterait pas le risque d’avoir une pratique de jeux d’argent plus tard, mais il confirme une association entre l’usage de jeux vidéo et la pratique de jeux d’argent à partir de l’adolescence. Les résultats soutiennent la mise en place de mesures de régulation sur les jeux vidéo telles que le contrôle d’âge, l’encadrement des contenus à composante de hasard comme les loot boxes et une prévention ciblée des adolescents vis-à-vis des pratiques de marketing. Ainsi, les auteurs recommandent de surveiller l’usage du jeu vidéo en ligne à l’adolescence car il pourrait prédire une entrée plus fréquente dans une pratique de jeux d’argent en ligne.
Gretta Mohan (2025) Kid gamers to adult gamblers? An investigation of gaming in childhood and young adult gambling, International Gambling Studies, 25:2, 347-365, https://doi.org/10.1080/14459795.2025.2488867