Le mois dernier est paru un numéro hors-série de Addiction intitulé « La réglementation du marketing de l’alcool : de la recherche aux politiques de santé publique ». C’est un sujet particulièrement crucial, car on sait que, pour les substances psychoactives autorisées, les mesures réglementant les ventes et la publicité sont souvent celles qui ont le plus d’impact sur les niveaux globaux d’usage.
Parmi les articles de ce numéro hors-série de Addiction, une étude intéressante a mesuré le respect par les marques d’alcool vis-à-vis des codes émis par l’International Alliance for Responsible Drinking (IARD), qui est l’organisme international d’autorégulation mis en place par les industriels eux-mêmes. De plus, ils ont adapté leur analyse en fonction de la législation spécifique des pays étudiés, en supposant que plus la législation était restrictive, et moins il y aurait de violations de cette législation. Leur étude a porté sur les publicités diffusées dans 7 pays européens ou américains, dont la France.
De manière globale, ils ont mesuré que 86,2% des publicités présentaient au moins une violation du code de l’IARD ou de la législation en vigueur dans le pays concerné. Les principales violations portaient sur les effets de l’alcool (85,1%) et sur ses risques en matière de sécurité (79,3%). La majorité des publicités présentaient l’alcool comme favorisant le succès social (83,9%), comme un simulant ou au contraire un apaisant (73,6%), comme un moyen de supprimer ses inhibitions sociales ou sexuelles (67,8%), ou comme un moyen de renforcer ses capacités physiques, sportives, ou mentales (64,4%). Par ailleurs, 39,1% des publicités représentaient des scènes de consommation excessive d’alcool, et 17,2% des publicités utilisaient des acteurs qui semblaient être sous l’âge légal d’achat.
Des différences éthiques étaient notées entre les marques, mais par contre aucune différence n’a été constatée selon les pays, notamment en matière d’exposition aux mineurs. En particulier, les pays censés être les plus protégés des mesures juridiques partielles n’étaient pas moins exposés que ceux où la seule autorégulation est en vigueur. Les deux seules exceptions notables à cela étaient la France et la Finlande, qui interdisent totalement la publicité pour l’alcool à la télévision.
Les auteurs soulignent en outre que pour chaque match, on pouvait observer des logos de marques d’alcool apparaissant sur les bandes adjacentes au terrain, voire des spectateurs consommer de l’alcool et parfois deviner la marque sur les verres ou les récipients. Les auteurs estiment que plus de 300 millions de mineurs de 16 ans ont pu voir de telles images à la télévision. Les auteurs rappellent que pour la seule marque Carlsberg au Royaume-Uni, on estime que la coupe du monde a permis la vente de 21 millions de bières supplémentaires, et que ce simple fait laisse supposer que les industriels ne sont pas particulièrement impliqués dans le respect des règles de régulation qu’ils ont eux-mêmes édictées.