Le mois dernier est paru un numéro hors-série de Addiction intitulé « La réglementation du marketing de l’alcool : de la recherche aux politiques de santé publique ». C’est un sujet particulièrement crucial, car on sait que, pour les substances psychoactives autorisées, les mesures réglementant les ventes et la publicité sont souvent celles qui ont le plus d’impact sur les niveaux globaux d’usage.
Parmi les articles de ce numéro hors-série de Addiction, figure un article de réflexion sur les mesures d’autorégulation issues de l’industrie de l’alcool. Le principe d’autorégulation est notamment promu par the Alliance for Responsible Drinking (IARD), organisme international financé par les alcooliers. Certains états, dont la France, refusent ce principe et imposent une régulation publique, par exemple en France par l’intermédiaire de la Loi Evin (voir billet spécifique sur ce sujet dans le même numéro).
Dans le présent article, les auteurs, menés par l’Américain Jonathan Noel (Université du Connecticut), veulent synthétiser les hypothèses et les objectifs sous-tendant le principe d’autorégulation industrielle, et proposent une lecture des principaux éléments de langage issus de la communication par les industriels eux-mêmes. Il s’agit bien évidemment d’un article d’opinion, qui ne repose pas sur une analyse méthodologique particulière.
Les auteurs soulignent que l’IARD identifie certains publics vulnérables devant être protégés du marketing autour de l’alcool, en particulier les femmes enceintes et les mineurs. Ils estiment que, en revanche, la question est beaucoup plus floue dans la pratique, et qu’aux Etats-Unis par exemple, les industriels ont plusieurs fois remis en question l’association entre exposition des enfants à la publicité pour l’alcool, et conséquences ultérieures en matière de consommation. Les auteurs estiment que les règles d’autorégulation émanant de l’industrie sont écrites de manière parfois étrangement ambiguë, et citent en exemple la règle suivante issue de l’IRAD : « Alcohol beverage marketing communications should not… suggest that alcohol beverages can enhance physical, sporting, or mental ability (La communication de marketing sur les boissons alcoolisées ne devrait pas […] suggérer que les boissons alcoolisées peuvent augmenter les capacités physiques, sportives ou mentales) ». Les auteurs estiment que formulée de cette façon, cette règle peut être interprétée comme le fait que les publicités à prohiber sont celles qui mettent en avant un lien direct entre la consommation d’alcool et l’amélioration des capacités, mais pas celles où le lien serait plus implicite.
Les auteurs font le constat que, dans les pays où l’autorégulation est la règle, les mineurs sont particulièrement plus exposés que dans les pays où il existe un contrôle d’état ou au moins indépendant de l’industrie. Ils estiment que les industriels n’ont jamais mis en place de mesures de régulation visant spécifiquement à protéger les mineurs. En revanche, ils abordent des situations où l’autorégulation industrielle a eu des effets positifs, mais en dehors du champ de l’alcool, notamment des exemples en lien avec l’industrie forestière ou bien l’industrie de la pêche. Ils estiment que l’autorégulation a fonctionné dans certaines situations de ce type parce que l’industrie a estimé que l’autorégulation était économiquement plus profitable pour elle dans ces cas précis. Ils pensent en revanche que lorsqu’il n’existe pas de bénéfice commercial à l’autorégulation, de telles mesures sont sans effet, et visent au contraire à garder le contrôle sur les messages adressés au grand public.