“Addiction” hors-série sur la réglementation du marketing de l’alcool : une revue systématisée sur le marketing ciblant les jeunes

Le mois dernier est paru un numéro hors-série de Addiction intitulé « La réglementation du marketing de l’alcool : de la recherche aux politiques de santé publique ». C’est un sujet particulièrement crucial, car on sait que, pour les substances psychoactives autorisées, les mesures réglementant les ventes sont souvent celles qui ont le plus d’impact sur les niveaux globaux d’usage.

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Marketing alcool jeuneLe mois dernier est paru un numéro hors-série de Addiction intitulé « La réglementation du marketing de l’alcool : de la recherche aux politiques de santé publique ». C’est un sujet particulièrement crucial, car on sait que, pour les substances psychoactives autorisées, les mesures réglementant les ventes sont souvent celles qui ont le plus d’impact sur les niveaux globaux d’usage.

Parmi les différents articles de ce numéro spécial figure une revue systématisée de la littérature scientifique sur le marketing spécifique des industriels pour promouvoir l’alcool parmi les jeunes. L’auteur principal, David Jernigan, travaille à la School of Public Health de Baltimore, USA. Les auteurs commencent par rappeler que les derniers travaux similaires remontaient à 2008 et 2009, alors que de nombreuses innovations issues de l’industrie de l’alcool s’étaient propagées depuis, à la fois par les vecteurs habituels de communication (télévision, films, chansons, manifestations sportives,…) mais aussi par le biais des nouvelles technologies et en particulier des réseaux sociaux.

La méthodologie de recherche, dans le cadre de revues systématisées de littérature, est complexe est basée sur les recommandations PRISMA. Cette complexité technique vise en fait à assurer une transparence et une objectivité des sources, ainsi qu’une reproductibilité du travail accompli par les auteurs. Au final, les auteurs n’ont retenu que douze études pour leur travail de revue. C’est peu, mais la période de temps analysée était courte et remontait à 2008. Les données obtenues sont malgré tout intéressantes. Un certain nombre de constats ressortaient en effet de ces études :

 

– L’exposition précoce à de la publicité pour l’alcool, notamment sur Internet, est associée à une expérimentation plus précoce également, ainsi qu’un usage d’alcool globalement plus élevé, un risque nettement plus élevé de conduites de binge drinking, et des complications liées à l’alcool plus nombreuses et plus précoces.

– Le niveau d’exposition à de la publicité pour l’alcool est très significativement corrélé aux attentes positives des jeunes envers l’alcool et aux niveaux d’usage. Ce lien est retrouvé de manière robuste et constante dans les différents pays où il a été analysé.

L’exposition précoce à de la publicité pour l’alcool pourrait améliorer la perception sociale de l’usage d’alcool par les adolescents, et ainsi expliquer l’augmentation ultérieur des niveaux d’usage

La participation à des manifestations sportives est associée à un niveau accru de consommation ultérieure d’alcool, ce qui suggère une vigilance particulière à apporter sur les moyens de promotion des boissons alcoolisées mis en œuvre par l’industrie de l’alcool dans le cadre de ces manifestations.

 

La discussion de ces principaux résultats par les auteurs est très intéressante. Le constat principal est que l’exposition précoce à de la publicité pour l’alcool est associée à une image socialement positive de l’usage d’alcool, et donc ultérieurement à un usage plus important et un risque plus important de complications. Le marketing le plus efficace est celui qui implique la participation directe du jeune à une activité qu’il aime, notamment par exemple une manifestation sportive ou artistique.

Un autre point important est l’effet des marques. Comme pour les vêtements ou les voitures, les marques d’alcool, et l’univers spécifique qu’elles offrent à leurs publics, semblent efficaces pour susciter des représentations et une forme d’identité communes chez certains usagers. Ce constat rejoint celui, identique, fait chez les consommateurs de tabac, et ainsi la récente interdiction de l’identification des marques sur les paquets de cigarettes.

Les auteurs rappellent toutefois que la relation entre exposition à la publicité et usage d’alcool n’est pas linéaire, et qu’il existe un phénomène de saturation variable selon les individus (manifestement moindre chez certains sujets prédisposés à boire davantage). Enfin, ils soulignent certains points n’ayant pas été pris en compte dans ce travail, notamment le contenu des publicités. C’est pourtant en effet un élément central, qui participe à créer l’univers symbolique général créé autour de l’usage d’alcool (la fête, le plaisir, l’argent, la réussite sexuelle,…) ou l’univers plus spécifique de certains alcools ou de certaines marques.

Les auteurs concluent en rappelant que certains effets de la publicité pour l’alcool ont été constatés dès l’âge de 10 ans, et que par ailleurs, plus l’exposition est précoce, plus l’effet est marqué.

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