Addictions : quelles politiques pour réguler les usages ?

La constance des consommations de substances addictives (licites ou illicites) invite au renouvellement des politiques de lutte contre les usages. Président de la Fédération Addiction, Jean-Pierre Couteron nous offre son éclairage, dans le contexte d’une société addictogène.

Alcool

Addict. Le terme d’origine anglo-saxonne s’est aujourd’hui fait une place dans le vocabulaire courant. Nous serions tous « addicts » à quelque chose. Or cet usage, qui minore la dimension pathologique de l’addiction, masque aussi sa définition clinique.

Qu’est-ce qu’une addiction ?

De nombreux experts de l’addiction ont tenté d’en bâtir une définition.

Le psychiatre Aviel Goodman définit l’addiction par l’impossibilité de contrôler une pratique tournée vers la recherche de plaisir, l’optimisation de la performance ou la gestion d’un mal-être, alors même que ses conséquences négatives se font jour. Cette définition privilégie la perte d’un contrôle, qui incombe à l’homme autant qu’à la société, au gré des découvertes des sciences et de l’évolution des techniques.

La neurobiologiste Brigitte Kieffer met en lumière le rôle du « circuit de la récompense », en lien aux sensations de douleur et de plaisir. L’interaction de ce circuit avec ceux de la motivation, de la mémoire et des habitudes conditionnelles, du contrôle cortical, intellectuel et exécutif complète le processus neurobiologique de l’addiction dont Patrick Pharo rappelle qu’il est lié à l’humaine condition et sa nécessité de répondre à l’éternelle question : « Que … faire de nos désirs de belle vie, de gloire et d’ivresse, issus du passé ancestral de l’espèce… lorsque le cerveau humain a été doté d’un circuit neurochimique de la récompense et du plaisir qui nous pousse à rechercher le sexe, l’attachement, les aventures, les jeux, la gloire, les substances psychoactives et toutes les intensités jouissives de l’existence ? »

Pour le neuropsychiatre Michel Le Moal, l’interaction entre vulnérabilités personnelles et durée d’exposition expliquera le passage d’un usage où la drogue est un plaisir parmi d’autres, à un usage intensif débouchant sur la perte du contrôle. La première rencontre avec un produit qui agit sur nos sensations, humeurs et autres perceptions, au point de pouvoir les changer, d’estomper un problème ou d’augmenter une compétence, est aura un impact variable selon la vulnérabilité du consommateur : l’usage tiendra une place relative dans ses stratégies pour atteindre bien-être et autonomie, ou deviendra indispensable en se substituant à d’autres façons de se sentir mieux, devenant de plus en plus une « béquille ».

Si l’on se situe au niveau de chaque personne, ces facteurs de risque et de vulnérabilité ou de protection sont individuels, familiaux ou environnementaux. Il s’agit de comportements, de caractéristiques innées, d’habitudes de vie, d’expositions à l’adversité et aux dangers environnementaux qui favorisent l’apparition d’un trouble psychopathologique avant l’âge adulte.

A contrario, parmi les facteurs de protection, on observe que certains attributs des personnes, des environnements, des situations et des évènements paraissent tempérer des prédictions de psychopathologie basées sur un statut individuel à risque.