Alcool et Dégout : Une relation intime

Alcool

L’alcool est un facteur fréquemment retrouvé dans de nombreuses maladies, mais aussi dans les comportements à risques ou violents. La prise d’alcool semble également perturber le traitement des signaux sociaux et émotionnels par les usagers, alors même que ce produit est souvent présent dans les situations d’interactions sociales ou festives (apéritifs, repas, réveillon…). Le fait de mal décoder les signaux para verbaux, comme les émotions faciales, peut amener à des situations d’incompréhensions (perception de colère chez l’autre, au lieu de peur), voire potentiellement de violence, sans avoir les capacités de les désamorcer par une bonne analyse du contexte et des intentions d’autrui.

La littérature est encore hétérogène sur ce sujet, mais une étude récente montre que l’administration d’alcool chez des sujets, a conduit à une perception accrue des émotions de type dégout et mépris. Cet effet serait lié pour les auteurs à l’effet immunosuppresseur de l’alcool, qui augmenterait le risque de maladie, et engendrerait une majoration par l’organisme de la sensibilité au dégout afin de tenter de diminuer les apports d’alcool (Szabo 2015 ; Duncan 2009 ; Fleischman 2018). Cette théorie se base sur la fonction originelle du dégout, qui a pour but de prémunir l’organisme contre certaines menaces environnementales : ingestion de composés pathogènes (pourriture, fèces…), risques sexuels (MST), ou moraux.

Le lien entre alcool et sensibilité au dégout est peu exploré, alors même que la consommation chronique d’alcool est régulièrement associée à certains contextes pouvant susciter du dégout (incurie, troubles sexuels, crimes…). Cet article a donc étudié le niveau de sensibilité global (Three Domains of Disgust Scale, TDDS, Tybur 2009) au dégout de sujets exposés à une dose modérée d’alcool ou à une boisson placebo, ainsi que le niveau de sensibilité pour les différentes composantes du dégout.

Leurs résultats ne permettent pas de mettre en évidence un lien significatif entre consommation d’alcool et modification de la sensibilité au dégout. En revanche, il existe une association négative entre niveau d’alcoolémie mesurée à l’éthylomètre, et niveau de dégout envers les composants pathogènes, qui semble réduire avec l’augmentation de l’alcoolémie. Ils suggèrent donc que la consommation d’alcool n’impacterait pas directement la sensibilité au dégout, mais pourrait agir de façon à « moduler » l’émotion du dégoût et réduire spécifiquement sa sensibilité. D’autres études seront nécessaires pour affiner et compléter cette approche innovante de l’altération des émotions faciales dans le trouble d’usage d’alcool.

Par Julien Cabé