Le lundi 26 Mars 2018 – Communiqué de 9 experts de santé publique
L’annonce du Plan National de Prévention par le Premier Ministre et la Ministre de la Santé et des Solidarités démontre une fois de plus l’influence malfaisante du lobby alcoolier. Alors que l’alcool tue davantage en France que ne tuent les armes à feu aux Etats-Unis (49 000 morts contre 33 000), les mesures proposées sont cosmétiques, bien en deçà de la gravité du problème.
Sans discussion, les dommages peuvent être attribués à la consommation de toutes les boissons contenant de l’alcool. Ils ne dépendent que du niveau moyen de consommation, bien trop élevé en France, loin de toute « modération ». Les connaissances scientifiques récentes ne permettent aucun doute sur la nécessité d’agir et les moyens à mettre en œuvre. En effet, depuis mai 2017, la puissance publique dispose des avis convergents d’experts indépendants missionnés par l’Institut National du Cancer (INCa) et Santé Publique France (SPF), ainsi que du remarquable rapport de la Cour des Comptes. Ces travaux mettent en avant les multiples effets nocifs de l’alcool dont certains s’expriment dès le premier verre par jour (cancers, violence).
Comparer le contenu du Plan National de Prévention avec ces recommandations montre un écart abyssal, témoin manifeste des pressions du lobby de l’alcool. On est très loin de la volonté énoncée par le Président de la République de faire de la prévention un axe fort de son quinquénnat. La seule mesure de prévention concernant l’alcool est l’augmentation de la taille du pictogramme pour les femmes enceintes ; cette mesure très circonscrite ne suffira pas à faire évoluer favorablement la situation. En effet, une approche rationnelle, et courageuse, aurait dû conduire à adopter les mesures dont l’efficacité est démontrée :
- un avertissement sanitaire actualisé remplaçant la mention « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé » par « l’alcool nuit à la santé » ;
- une information des consommateurs sur les calories et les quantités d’alcool pur en grammes et de sucre ;
- la suppression de messages trompeurs tels que la Modération ou l’éducation à (bien) boire ;
- un contrôle strict et une répression de la vente aux mineurs ;
- une taxe sur les boissons alcoolisées en fonction du nombre de grammes d’alcool pur ;
- une politique des prix pour freiner la consommation des jeunes, notamment sur les prémix à base de vin ;
- un encadrement de la publicité, en particulier sur Internet ;
- un coup d’arrêt au contournement incessant de la Loi Evin par les marques alibis, et le sponsoring déguisé des manifestations sportives ou culturelles….
Aucune d’entre elles ne figure dans le Plan National de Prévention !
Nous avons changé d’époque grâce au progrès des connaissances. La responsabilité de l’alcool dans les dommages sanitaires et sociaux est du ressort de la puissance publique. L’Etat ne peut se limiter à des mesures cosmétiques face aux encouragements forcenés à consommer qui se multiplient. Près de 2 Français sur 3 jugent les mesures actuelles insuffisantes. Les élus en charge de la protection des citoyens auront inévitablement à répondre de leurs choix lorsqu’ils sont contraires à l’intérêt général, notamment celui de la santé des Français.
Le temps est venu d’en finir avec le jeu de rôle où le ministre de la santé défend la prévention, mais est toujours perdant dans les arbitrages finaux face aux intérêts particuliers et doit se contenter de miettes.
Il est encore temps de proposer un Plan National Alcool, et de l’inclure dans le prochain Plan gouvernemental de Prévention des Addictions. Son contenu permettra de juger si la prévention reste la priorité annoncée par le Président de la République ou si les intérêts du lobby alcoolier prévalent encore sur toute autre considération.
Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et d’addictologie université Paris-XI.
Bernard Basset, médecin de santé publique, vice-président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa).
Gérard Dubois, professeur de santé publique, Académie de médecine.
Irène Frachon, pneumologue, Brest.
Serge Hercberg, professeur de nutrition, université Paris-XIII.
Catherine Hill, épidémiologiste.
Albert Hirsch, professeur de pneumologie, université Paris-VII, administrateur de la LNCC.
Michel Reynaud, professeur de psychiatrie et d’addictologie, université Paris-XI, président du Fonds Actions Addictions.
Nicolas Simon, professeur de médecine, université Aix-Marseille, président de l’Anpaa.
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