ALCOOL / «Pour séduire les jeunes femmes, un marketing similaire à celui du tabac»

La professeure Karine Gallopel-Morvan alerte sur les stratégies de l’industrie de l’alcool, comme les packagings qui reprennent les codes du luxe ou les boissons «light», pour attirer un public féminin toujours plus jeune.

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Les femmes boivent désormais autant que les hommes. Les mêmes outils marketing sont-ils déployés pour les inciter à boire ?

Quand j’ai commencé à travailler sur l’alcool il y a quelques années, j’ai été frappée par la proximité et la similitude du marketing développé par l’industrie de l’alcool pour séduire les jeunes femmes et celui des compagnies de tabac. Par exemple, l’industrie du tabac a lancé des cigarettes aromatisées, puis des cigarettes «light». On a maintenant la même chose avec l’alcool et la mise en avant de boissons «light» / 0 calorie, des boissons au goût sucré (rosé pamplemousse, etc.), ou encore des packagings qui empruntent les codes du luxe. Par exemple, les cigarettiers ont lancé des cigarettes et des paquets de tabac très fins et très élégants aux noms de marques évocatrices (Vogue, YSL, etc.). Pour l’alcool, il n’est pas rare de voir des grands couturiers travailler sur le design de nouvelles bouteilles…

Chez les jeunes, c’est le même constat. Lucky Strike a lancé un paquet de cigarettes phosphorescent, la bière Heineken a fait la même chose récemment avec des bouteilles.

Concernant le sponsoring, on retrouve des stratégies et des techniques identiques, qui associent l’univers culturel et sportif à des marques de tabac ou d’alcool. Indéniablement, ce sont les mêmes stratégies, et cela se comprend car cela fonctionne.

Quand cette offensive a-t-elle commencé ?

C’est difficile à dire, mais j’ai le sentiment qu’il y a une accélération depuis une dizaine d’années avec l’affaiblissement de la loi Evin dû au lobbying intense de l’industrie de l’alcool. Les attaques contre cette loi sont régulières depuis sa mise en place en 1991. Elles se sont traduites par la possibilité pour les marques d’alcool de pouvoir de nouveau faire de la publicité par affichage dans la rue ou sur Internet pour toucher les jeunes et, récemment, de sortir des limites imposées par la loi Evin dès que l’alcool a un côté terroir et régional – que présentent presque tous les alcools finalement.

Le marketing touche tout le monde, toutes les catégories et tous les âges. Mais l’enjeu prioritaire est de faire commencer à boire le plus tôt possible. Et il me semble que nous sommes moins sur un marketing genré qu’à destination des jeunes, en comparaison avec les adultes. L’enjeu est de capter vite les jeunes, hommes comme femmes, car ce sont les consommateurs de demain.