ALCOOL / pourquoi et pour qui limiter la consommation à deux verres par jour ?

Au moment où de nouvelles normes de consommation concernant l'alcool viennent d’être publiées par Santé Publique France, il convient, pour qu’elles s’intègrent au comportement des français, d’en analyser les tenants et les aboutissants.

Alcool

Le double visage de l’alcool, source indéniable de plaisirs mais aussi de souffrances, induit des représentations sociales contradictoires rendant complexes la perception de la dangerosité et des seuils de risques liés au produit. Au moment où de nouvelles normes de consommation viennent d’être publiées par Santé Publique France, il convient, pour qu’elles s’intègrent au comportement des français, d’en analyser les tenants et les aboutissants.

Tous les français sont d’accord pour reconnaître que l’alcool est une source de plaisir, de convivialité et qu’il est ancré, notamment le vin, dans notre culture et nos modes de vie. Ce plaisir à consommer  avec des risques limités existe pour les deux tiers des français (ceux buvant environ moins de deux verres par jour).

Mais l’alcool c’est aussi 50 000 morts/an, la première cause de mortalité prématurée ; et entre 25 et 40% des violences et actes de délinquance qui sont commis en France le sont sous l’emprise de l’alcool. L’essentiel de ces dommages est occasionné par des consommations excessives, à risques. Elles ne concernent qu’un tiers de français.

Mais c’est toujours sous le prétexte de valoriser les consommations plaisir, culturelles et modérées que se dissimulent les incitations aux consommations excessives d’alcool. Car, si celles-ci ne concernent qu’un tiers des français, elles représentent 90% de l’alcool vendu.

Le pavé dans la mare : de nouvelles normes pour lutter contre les addictions et repenser la prévention

 

Santé Publique France et l’Institut National du Cancer ont présenté cette semaine un rapport sur l’évolution du discours public en matière de consommation d’alcool en France. Il contient 10 recommandations pour réduire les dommages liés à l’alcool. Vous les retrouverez reprises par l’ANPAA en cliquant sur ce lien. Au-delà de recommandations concernant les politiques publiques à mener, il en ressort, pour informer les français et changer leur regard sur leurs consommations, deux points capitaux :

  • « Pour limiter les risques, il ne faut pas consommer plus de 10 verres par semaine (soit 1,4 verres environ par jour) »
  • « Il faut aussi informer systématiquement que toute consommation d’alcool comporte des risques pour votre santé. »

 

Est-il utile de dire que ces deux points sont très éloignés des représentations actuelles qui sont fortement influencées par le lobby alcoolier.

Un deuxième pavé : une part importante de la mortalité évitable constituée par les consommations excessives d’alcool

La même semaine, Santé Publique France a publié son rapport sur l’état de la santé des français en 2017.

Si l’espérance de vie reste élevée, le poids des décès prématurés, essentiellement liés aux facteurs de risques que sont l’alcool et le tabac, est encore trop important. On constate en particulier une augmentation de la mortalité prématurée secondaire à ces deux facteurs chez les femmes. Ils participent également de façon forte aux inégalités de santé.
En ce qui concerne l’alcool, il faut bien avoir en tête que la mortalité augmente de façon exponentielle avec les quantités consommées. Nous l’illustrerons avec la courbe ci-dessous.

Cette courbe démontre que le risque existe dès le premier verre, mais reste peu élevé jusqu’à deux verres par jour. Les discussions d’experts polémiquant entre 1, 2 ou 3 verres n’ont à vrai dire pas grand intérêt. Il convient que les français comprennent qu’ils augmentent leurs risques de façon notable dès le deuxième verre et que, passée cette limite, les dommages sont exponentiels : la mortalité est augmentée de 20% à 3 verres, doublée à 5 verres, multipliée par 8 à 8 verres et par 16 pour une consommation de 10 verres/jour. (rappel : un verre = 10 grammes d’alcool).

Les dommages, aussi bien aigus que chroniques, aussi bien à soi-même qu’à autrui, sont reliés de façon exponentielle aux quantités consommées.

Les consommations excessives : principale manne financière des acteurs du commerce de l’alcool

Quel est la part des consommations excessives et comment influencent-elles le marché ?

Le rapport de Santé Publique France est venu rappeler les chiffres de la consommation annuelle et  moyenne des français (2.6 verres par jour pour la moyenne des français de plus de 15 ans).
Si l’on démembre ce chiffre de 2.6 verres par jour, il faut rappeler que 15% des français sont abstinents et que 50% consomment moins de 2 verres/jour. On peut donc dire que les deux tiers de la population française sont en dessous du seuil de risque lié à l’alcool.

Les problèmes se concentrent donc sur le tiers de la population française qui se situe clairement dans les consommations à risques et c’est sur eux que doivent porter les actions visant à la réduction des risques et des dommages.

Mais c’est aussi ces consommateurs excessifs qui consomment 90% de l’alcool commercialisé : ceci explique les pressions et incitations à la consommation du monde de l’alcool. (Voir infographie ci-dessous).

 

Quelles conclusions en tirera notre nouveau gouvernement ???

Les éléments scientifiques sont désormais objectivés par Santé Publique France, organisme de l’Etat (ils l’avaient déjà été par l’OMS, l’OCDE et la Cour des Comptes).

Ils mettent clairement en exergue la contradiction entre la protection de la santé des français et les incitations à la consommation de l’industrie de l’alcool.

Le président Macron et son gouvernement se saisiront ils du sujet et en feront-il un axe fort de leur politique de santé et de sécurité ?

 

                                                                                                              Professeur Michel Reynaud.