La consommation aigüe d’alcool est associée à un risque augmenté de blessure. Elle est retrouvée chez 15 à 45% des patients se présentant dans des services d’urgence. Elle peut mettre en difficulté les soins proposés notamment par l’altération de la vigilance (augmentation du taux d’intubation, du recours à des examens invasifs). De plus, l’interaction entre l’alcool et les médicaments utilisés classiquement en service d’urgence (antalgiques opioïdes, hypnotiques, agents vasodilatateurs, médicaments antidiabétiques, anticoagulants, AINS, etc) doit être pris en considération. Pourtant dans les cas graves des patients polytraumatisés, la priorité est donnée aux traitements et examens assurant la survie du patient, parfois au dépend de la recherche d’une éventuelle intoxication alcoolique aigüe. Cette étude allemande rétrospective se propose d’explorer une technique innovante de dépistage, en s’appuyant sur un examen réalisé en routine dans ce type de prise en charge : la tomodensitométrie corps entier (« body scan »).
Les auteurs sont arrivés à cette idée suite à des études réalisés post-mortem chez des victimes de polytraumatismes. Une distension de la vessie était significativement corrélée avec un rapport toxicologique positif, notamment concernant l’alcool. Ils sont donc repris les dossiers de 831 patients admis aux urgences de leur hôpital pour polytraumatisme entre 2007 et 2012 et ayant bénéficié d’un scanner corps entier. Le volume vésical était mesuré manuellement sur les images du scanner (cette mesure était couplée à une mesure automatique pour 30 d’entre eux), et des données étaient collectées : alcoolémie, hématocrite, créatinémie, données démographiques, et mécanisme de la blessure.
Une analyse en courbe ROC permettait de prédire une alcoolémie positive avec une sensibilité de près de 51% et une spécificité de 76% lorsque le volume vésical était supérieur à 416mL. Le rapport Créatinémie/volume vésical permettait d’augmenter encore la sensibilité (64%) et la spécificité (67%) de la prédiction. L’évaluation semi-automatique du volume vésical, plus aisément utilisable en routine, identifiait des volumes légèrement inférieurs aux volumes déterminés manuellement sur les mêmes patients.
Les auteurs proposent de considérer une évaluation semi-automatique du volume vésical chez les patients polytraumatisés à partir d’un scanner corps entier comme un outil complémentaire de dépistage d’une alcoolisation aigu, renforçant la présomption clinique et la nécessité de réaliser un dosage plasmatique.