Alcooliques anonymes: la parole peut-elle suffire à lutter contre la dépendance?

Les principes des Alcooliques anonymes, créés en 1935, ont inspiré le développement d'autres groupes de parole, parfois institutionnalisés au sein du milieu hospitalier.

Alcool

Le trait d’eye-liner est impeccable sur les paupières de Maryse*, et le contour de ses lèvres soigneusement relevé par un crayon couleur framboise. Très élégante dans sa robe estivale, la nonagénaire arrive au 35 rue Bayard, dans le 8e arrondissement de Paris, aux alentours de 19h45. Elle s’y rend tous les lundis. «C’est comme un rendez-vous amoureux», confie-t-elle avec malice. Dans une petite salle de l’Église anglicane, elle prend place autour de la table. Vient alors son tour de se présenter: «Bonjour, je m’appelle Maryse, et je suis alcoolique.»

Voilà plusieurs décennies que Maryse fréquente les Alcooliques anonymes(AA). Comme elle, des milliers de personnes de tous les âges, genres, confessions et origines se réunissent régulièrement au même endroit pour partager ce qu’elles ont de plus intime: leur rapport à une substance ou à un comportement qui suscite chez elles une dépendance. Narcotiques anonymes, Dépendants sexuels et affectifs anonymes (Dasa)… Autant de femmes et d’hommes qui viennent parler de leurs souffrances, de leurs progrès, de leurs rechutes.

L’addiction est répertoriée dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) comme «une affection cérébrale chronique, récidivante, caractérisée par la recherche et l’usage compulsifs de drogue, malgré la connaissance de ses conséquences nocives».

Effet miroir

Parler pour guérir d’une pathologie lourde est une promesse séduisante. Pour Maryse, c’est un «miracle».

En plein mois de juillet, peu de gens ont fait l’effort, comme Maryse, de braver la canicule pour se serrer dans une salle des beaux quartiers de la capitale. Ce soir-là, le groupe accueille chaleureusement un nouveau, qui n’a pas l’air très à l’aise. Il prévient qu’il est venu «juste pour voir».

La réunion commence, réglée comme du papier à musique. Autour de la table, sur laquelle trônent les portraits de Bill W. et Dr Bob, les cofondateurs des AA, un silence discipliné se fait. Le modérateur du jour –qui n’est pas un chef, juste un volontaire pour animer la réunion– lance une prière, puis énonce les actualités du groupe AA France. Le mouvement, qui compte environ 6.000 membres dans l’Hexagone et plus de 120.300 groupes dans le monde, fête ses 58 ans lors du congrès annuel, organisé les 17 et 18 novembre à la Baule.

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