Alcoolodépendance : quelles sont les zones cérébrales qui récupèrent après une période courte ou longue d’abstinence ? Une étude d’IRM dans ACER.

Une réduction diffuse des structures cérébrales a été constatée depuis longtemps et de manière répétée chez les sujets avec alcoolodépendance. Mais les études longitudinales ont aussi montré que ces phénomènes étaient au moins partiellement réversibles, et que ces récupérations structurelles allaient souvent de pair avec les processus de récupération cognitive.

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Une réduction diffuse des structures cérébrales a été constatée depuis longtemps et de manière répétée chez les sujets avec alcoolodépendance. Mais les études longitudinales ont aussi montré que ces phénomènes étaient au moins partiellement réversibles, et que ces récupérations structurelles allaient souvent de pair avec les processus de récupération cognitive. Ici, l’équipe Timothy C Durazzo et Dieter J Meyerhoff, sans doute les auteurs les plus connus dans le domaine de la neuroimagerie structurale dans l’alcoolodépendance, ont évalué de manière séquentielle, les aspects de récupération structurelle chez 85 sujets alcoolodépendants, à 1semaine, 1 mois, et 7 mois d’abstinence. Des sujets contrôle sans alcoolodépendance ont également été mesurés comme « étalons ». Les régions étudiées ici étaient surtout des régions antérieures, c.à.d. le cortex cingulaire antérieur, l’insula, le cortex préfrontal dorsolatéral, et le cortex orbitofrontal, ainsi que des régions plus temporales, à savoir l’amygdale et l’hippocampe.

 

Les auteurs ont trouvé une altération de toutes les structures concernées immédiatement au décours de l’arrêt de l’alcool. Toutefois, à l’exception de l’amygdale, toutes les structures cérébrales étudiées récupéraient en taille au cours du maintien d’abstinence. Ces récupérations suivaient toutefois des trajectoires très différentes entre individus.

 

L’étude était marquée par certaines limites. D’abord, il n’y avait pas d’IRM avant l’arrêt de l’alcool, mais l’obtention de tels enregistrements est bien sûr difficile en raison de contraintes à la fois techniques et éthiques. Ensuite, la plupart des sujets n’avaient pas passé les trois enregistrements successifs, ce qui limite la valeur des données recueillies. Enfin et surtout, il n’y avait pas de mesures cognitives associées. Cela aurait été pourtant extrêmement intéressant de coupler des mesures neuropsychologiques, au moins pour montrer que les atteintes structurelles ont une réelle signification clinique.

 

Les études successives d’imagerie cérébrale dans l’alcoolodépendance montrent bien qu’il existe un double type d’atteintes. D’une part des atteintes qu’on peut dire « d’irritation », à la fois diffuses et fréquentes, mais aussi réversibles après arrêt de l’alcool. D’autre part, des atteintes devenues « fixées », qui perdurent bien après l’arrêt de l’alcool.

 

Dans ce contexte, beaucoup de questions restent à préciser. D’abord, même si l’on suspecte un lien fort avec les atteintes cognitives, qui se séparent d’ailleurs selon les mêmes types « irritatifs » et « fixés », ce liens n’a jamais vraiment été correctement étudié jusqu’à présent, alors qu’il a une importance évidente en pratique. Ensuite, et surtout, il est important de comprendre pourquoi certaines atteintes (la plupart) sont réversibles, alors que d’autres se figent et laissent des traces, sinon indélébiles, au moins durables. Enfin, il est crucial de comprendre pourquoi certains sujets sont plus exposés que d’autres aux atteintes fixées. S’agit-il d’une question de dose et de durée d’exposition à l’alcool ? Trop simpliste sans doute. Probablement que des facteurs individuels de susceptibilité neurobiologique à l’alcool, encore méconnus, expliquent l’hétérogénéité des trajectoires d’atteintes entre les patients. Mieux connaître ces déterminants sera l’enjeu majeur des prochaines années pour les chercheurs de ce domaine.

Par Benjamin Rolland

 

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