Attitudes des pharmaciens écossais face aux usagers de drogues

Une enquête qualitative parue dans Addiction.

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Attitudes des pharmaciens écossais face aux usagers de drogues
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Cette étude a examiné la manière dont les étudiants en pharmacie et les jeunes pharmaciens perçoivent la culture professionnelle des pharmacies communautaires face aux personnes souffrant de dépendances. L’étude cherchait à comprendre comment les notions de professionnalisme, d’identité professionnelle et la culture du lieu de travail influencent la qualité du soin et les attitudes envers les usagers dépendants. Les auteurs partent de l’hypothèse qu’une identité professionnelle fragmentée ou mal construite peut conduire à des comportements stigmatisants et à une prise en charge moins empathique.

L’étude a adopté une approche qualitative, qui repose sur des entretiens semi-directifs menés entre septembre et novembre 2023. Les entretiens, d’une durée de 17 à 60 minutes, ont été réalisés sur Microsoft Teams® par six étudiants en pharmacie, encadrés par deux chercheurs expérimentés. L’analyse thématique inductive, effectuée à l’aide du logiciel NVivo®, a suivi les étapes classiques : familiarisation avec les données, codage initial, identification, révision et définition des thèmes, puis interprétation.

Les participants (n = 28) comprenaient 20 étudiants en pharmacie2 étudiants en première année de formation post-universitaire (Foundation Year) et 6 pharmaciens nouvellement diplômés, tous basés en Écosse. Le recrutement s’est appuyé sur les réseaux universitaires et les médias sociaux.

Les résultats révèlent une présence marquée de stigmatisation à l’égard des personnes dépendantes qui fréquentent les pharmacies communautaires. Cette stigmatisation s’exprime de plusieurs façons :

  • stéréotypes négatifs associant les patients dépendants à des comportements indésirables ou à une non-conformité sociale,
  • traitement différencié ou moins favorable fondé sur des jugements moraux autour de l’usage de substances,
  • stigmatisation structurelle, notamment à travers des obstacles d’accès aux soins ou des politiques internes dissuasives.

Malgré ces constats, les chercheurs ont également identifié des exemples de soins empreints de compassion et de professionnalisme. Certains pharmaciens, faisant preuve d’empathie, de respect et de constance dans la relation de soin, constituent de véritables modèles professionnels pour les étudiants. Ces interactions positives ont contribué à façonner l’identité professionnelle émergente des futurs pharmaciens, leur permettant de réfléchir à la posture qu’ils souhaitent adopter dans leur pratique future.

Les participants soulignent cependant une insuffisance de formation universitaire concernant la dépendance et la prise en charge des patients concernés. Beaucoup estiment que leurs études les ont peu préparés à faire face à la réalité quotidienne de ces situations, tant sur le plan clinique que relationnel. Cette lacune contribue à l’incertitude identitaire et à la reproduction des attitudes stigmatisantes observées en pratique.

En conclusion, les auteurs décrivent une culture pharmaceutique écossaise ambivalente : d’un côté, une persistance du stigmate et des attitudes peu professionnelles envers les usagers dépendants, de l’autre, des exemples inspirants de bienveillance et de respect, portés par certains praticiens. L’exposition directe des étudiants à la pratique communautaire joue un rôle clé dans la construction de leur identité professionnelle et dans l’adoption d’attitudes plus humanistes. Toutefois, les résultats soulignent la nécessité d’une réforme des cursus de formation en pharmacie, afin d’y intégrer une préparation plus complète et réflexive à la prise en charge des personnes qui souffrent de troubles de l’usage de substances.

Cette étude met ainsi en lumière l’importance d’un renforcement de la formation éthique et relationnelle, et d’une évolution de la culture des pharmacies communautaires vers une approche plus inclusive, dénuée de jugement, favorisant l’accès aux soins pour les personnes les plus stigmatisées.

En savoir plus : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/40996494/