Comment le marketing des industriels de l’alcool incite à la consommation ?

Le regard de Karine Gallopel-Morvan, professeure des universités à l'école des Hautes Etudes en Santé Publique de Rennes.

Alcool
2024 Gallopel-Morvan Karine

Karine Gallopel-Morvan, professeure des universités à l’école des Hautes Études en Santé Publique de Rennes, spécialiste du marketing et du lobbying de l’industrie du tabac et de l’alcool, nous partage son regard d’experte sur le marketing utilisé par les industriels de l’alcool.

Les alcooliers font-ils du marketing ? Pourquoi ? Depuis quand ?

Oui comme toutes les entreprises, pour augmenter les ventes de leurs produits. Pour l’alcool, le marketing s’est sophistiqué au fil des années et s’inspire du marketing des industriels du tabac.

A l’instar des autres entreprises, les alcooliers utilisent des « recettes » marketing courantes : faire de la publicité en masse et ciblé grâce aux réseaux sociaux, créer des univers de marque et susciter ainsi le désir d’acheter et de consommer… La consommation d’alcool est associée à des valeurs appréciées par les cibles visées : soirées, fêtes, convivialité, amis, sexe, cinéma, sport, concerts, gastronomie, terroir… Ces messages, répétés de nombreuses fois grâce à des budgets marketing colossaux, façonnent des images mentales très positives de l’alcool et font oublier les méfaits associés à sa consommation.

Quels outils utilisés ? Quelles cibles ?

Deux cibles principales sont visées : les femmes qui ne consomment pas assez d’alcool par rapport aux hommes, et les jeunes car ce sont les consommateurs de demain et il faut les fidéliser très tôt aux marques d’alcool vendues par les alcooliers.

Le marketing ciblant les femmes fait par exemple référence à des noms de produits cosmétiques pour une marque d’alcool (gloss), à des univers liés à la mode (packaging qui ressemble à du parfum, publicité, recours à des influenceurs connus), aux produits de beauté. Des saveurs sont aussi travaillées pour plaire aux femmes : aromatisées, douces, sucrées.

Pour capter les jeunes, le marketing s’axe sur des prix faibles et des promotions, des produits déclenchant rapidement l’ivresse (bière titrant 9, 10,11 ou 12°). Côté publicitaire, des thématiques appréciés des jeunes sont mobilisées et massivement diffusées sur les réseaux sociaux : héros planétaires, science-fiction, bandes dessinées, fêtes, soirées, amis…

Une dernière remarque ?

On constate un non-respect régulier des industriels de l’alcool par rapport à la loi Evin de restriction des contenus publicitaires. La législation est encore plus facile à contourner aujourd’hui avec la présence massive des alcooliers sur les réseaux sociaux très fréquentés même par les plus jeunes.

Muriel Gutierrez (Amande épicée)