Comment rester sobre quand l’alcool, c’est notre vie (Vice)

Peut-on être sommelier, ou même vigneron, lorsqu’on ne boit pas ?

Alcool

Au début de l’année, en revenant des vacances des Noël, un ami et collègue qui a autrefois été un de mes partenaires de biture préférés m’a annoncé qu’il avait cessé de boire. Plusieurs autres de mes amis ont pris la même décision dans le courant de l’année, certains de manière définitive, et d’autres seulement pour un mois ou deux. Ce qui est étonnant, c’est que toutes ces personnes ont une vie qui consiste, de près ou de loin, à consommer ou vendre de l’alcool. Et elles ne sont pas les seules à faire le choix de bouder l’ivresse malgré tout l’alcool qui les entoure. Que ce soient des barmans, des critiques, des sommeliers ou des cuisiniers, on observe en ce moment une claire tendance vers la sobriété dans l’industrie des boissons alcoolisées et de la restauration.

Je n’ai pas de problème d’alcool diagnostiqué, je suis rarement ivre, mais je suis très conscient que ma vie dans le monde du vin m’amène à boire tous les jours. J’ai donc demandé à David McMillan, propriétaire des restaurants Joe Beef et Liverpool House (entre autres) et à Robert Marier, un célèbre coach de sobriété qui travaille avec plusieurs personnes du secteur, comment vivre une vie sobre tout en travaillant dans le monde de l’alcool.

VICE : Tu as expliqué dans le podcast de Joe Rogan que tu as arrêté de boire grâce à l’aide de ton équipe. Crois-tu que tu aurais arrêté même sans cette intervention ?
David McMillan: L’intervention est nécessaire. Beaucoup de mes collègues essayaient d’arrêter, et j’avais moi-même essayé d’arrêter plusieurs fois auparavant, mais je tenais deux ou trois jours, et j’y revenais. Il faut comprendre que j’étais un alcoolique qui faisait bonne figure. Je ne tapais pas le cul des filles, je n’avais pas de problèmes à articuler mes mots, je n’étais pas désagréable. J’étais seulement à un point où je buvais tous les jours, et j’avais l’impression que je devais boire. Il y avait toujours un chef de passage en ville avec qui je devais prendre un verre, des invités avec qui je devais boire.

Tout ça, c’est drôle quand t’as 25, 30, 35 ans. Mais j’ai une centaine d’employés, cinq restaurants, des partenaires d’affaires, trois enfants. Fred [Morin, son partenaire d’affaires, ndlr] et moi avons réussi à faire des trucs pas mal avec nos restaurants et nos livres, mais je n’étais pas content ! Aucun vin que j’ouvrais n’était assez bon, aucun article sur moi dans le New York Times suffisait à me remonter le moral, rien ne m’amusait. J’étais toujours déprimé ou hungover, comme beaucoup de gens dans cette industrie.

Pourtant, boire faisait partie de ton brand . Craignais-tu de perdre une partie de ton identité ?
J’étais terrifié, je croyais que ma vie était terminée! Je suis Dave McMillan, le fucking Dieu viking suprême, un des plus grands buveurs de tous les temps ! Tous ces autres amateurs de vin à Montréal ne m’arrivaient pas à la putain de cheville, ils n’étaient pas dignes de boire à mes côtés ! Je me promenais en buvant des magnums de champagne, j’étais le roi des soûlards.

J’étais un alcoolique toxicomane, et tout ça n’était que de la poudre aux yeux. J’étais l’enculé le plus triste du monde. Je pensais donc que si j’arrêtais de boire, je n’aurais plus d’amis, je ne pourrais plus retourner au restaurant. Je ne savais pas ce que je ferais de mes vendredis, de mes samedis soir, de tous mes amis avec qui je buvais, de tous les invités que je recevais à la maison. Qu’est-ce que je ferais chez moi ? Parce que la moitié de ma vie était la cuisine, et l’autre, l’alcool. Je sers du vin dans mes restaurants, j’ai une entreprise d’importation de vin, je produis du vin, même ! Je croyais vraiment que ma vie était terminée et que j’allais devoir déménager.

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