Le 16 Avril 2018,
Nous ne sommes pas de ceux qui contestent que l’alcool, notamment le vin, fait partie de notre paysage, qu’il participe à notre vie sociale et festive, et qu’il concourt à l’image de la France, à son patrimoine et aux bénéfices de son commerce extérieur.
Mais, professionnels de santé, bénévoles dans des associations, simples citoyens ou proches de victimes, nous témoignons des risques de l’alcool, responsable annuellement en France de 49000 morts dont 15000 cancers, deuxième cause de mortalité prématurée évitable après le tabac, première cause de mortalité des jeunes de 18 à 25 ans, première cause évitable de retard mental de l’enfant, deuxième cause d’hospitalisation et facteur favorisant ou déclenchant de 40% des violences familiales et conjugales, de 30% des viols, des agressions sexuelles et des violences générales et sur la route.
Nous avons la responsabilité de conjuguer cette double réalité en guidant les Français face à un produit aux effets contrastés et ambivalents, et en proposant aux responsables politiques un dispositif qui protège la population, dont les plus vulnérables d’entre nous, des risques sanitaires et sociaux d’un produit problématique.
Mettre en œuvre des dispositions dont le bénéfice est avéré est le fondement même d’une politique efficace et équitable de protection de la santé, même et surtout vis-à-vis des risques de l’alcool. Les Français savent reconnaître le courage politique et s’en souvenir, et ils sont 60% à considérer insuffisantes les mesures actuelles.
Nous devons tenir compte de la consommation d’alcool en France, une des plus élevée au monde, de la méconnaissance voire du déni des risques encourus, de la désinformation soigneusement organisée par la filière alcool, de la nécessité d’agir à la fois sur la consommation de l’ensemble des consommateurs (sachant que les consommateurs réguliers consomment en moyenne 5 verres par jour !) et sur celles ciblées par les industriels de l’alcool (les jeunes, les précaires, les femmes). Sur ce paysage, se greffe la puissance de lobbying d’une industrie qui infiltre tous les niveaux de la société (le sport, la culture, les milieux scientifiques, le Parlement et jusqu’au plus haut niveau de l’Etat).
Pour ces raisons, nous proposons 10 mesures :
- Indiquer sur les contenants la quantité en grammes d’alcool et de sucre, le nombre de calories de manière claire, lisible et contrastée.
- Faire figurer sur les contenants et sur toute publicité pour une boisson alcoolisée un pictogramme clair, visible et contrasté marquant la contre-indication de toute consommation aux femmes enceintes.
- Inscrire sur les contenants et sur toute publicité pour une boisson alcoolisée la mention « l’alcool est dangereux pour la santé » de manière claire, lisible et contrastée.
- Interdire sur tout support toutes les mentions supplémentaires non légales du type « à consommer avec modération ».
- Interdire la publicité pour l’alcool conformément aux dispositions initiales de la loi Evin (interdiction de la publicité directe et indirecte dans les supports qui s’imposent à tous, forme réglementée sur tous les autres supports autorisés), et l’étendre au numérique (Internet, réseaux sociaux).
- Diffuser les repères de consommation de l’avis d’experts de Santé publique France et de l’Inca[1] au travers de campagnes publiques multimédias et de tous les documents publics concernant l’alcool.
- Taxer l’alcool proportionnellement au contenu en grammes d’alcool et définir un prix minimum de vente par unité d’alcool pour toutes formes d’alcool.
- Mettre en œuvre et prendre en charge la prévention, le repérage précoce et l’intervention brève des consommateurs par les médecins, ainsi que le traitement des malades de l’alcool dans l’ensemble du système de soin.
- Financer une recherche indépendante par la création d’un fonds alcool abondé par les taxes sur l’alcool et sur les bénéfices des industriels de l’alcool.
- Publier un rapport parlementaire biennal évaluant la mise en œuvre et l’application de ces nouvelles mesures ainsi que l’application des textes existants dont les interdictions de la vente d’alcool aux mineurs, les « open bars » concernant tous les types de boissons alcoolisées, le sponsoring des soirées jeunes et toutes formes de parrainages sportifs et culturels… par des fabricants ou distributeurs de boissons alcoolisées.
Ainsi, le président de la République et son gouvernement, auront à exercer leur responsabilité sanitaire, sociale, juridique et politique en choisissant entre nos 10 propositions et celles annoncées par la filière alcool. Ce choix se fera en toute transparence devant une opinion qui sera en définitive juge de la sincérité de l’engagement pour la prévention hautement proclamé par les pouvoirs publics.
[1] Si vous consommez de l’alcool, il est recommandé pour limiter les risques pour votre santé au cours de votre vie :
– de ne pas consommer plus de 10 verres standard par semaine et pas plus de 2 verres standard par jour ;
– d’avoir des jours dans la semaine sans consommation.
Et pour chaque occasion de consommation, il est recommandé :
– de réduire la quantité totale d’alcool que vous buvez ;
– de boire lentement, en mangeant et en alternant avec de l’eau ;
– d’éviter les lieux et les activités à risque ;
– de s’assurer que vous avez des gens que vous connaissez près de vous et que vous pouvez rentrer chez vous en toute sécurité.
Pour les femmes qui envisagent une grossesse, qui sont enceintes ou qui allaitent : pour limiter les risques pour votre santé et celle de votre enfant, l’option la plus sûre est de ne pas consommer d’alcool.
Pour les jeunes et les adolescents : pour limiter les risques pour votre santé, l’option la plus sûre est de ne pas consommer d’alcool.
SIGNATAIRES
Bernard Basset, médecin de santé publique, vice-président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA).
Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et d’addictologie université Paris-XI.
Gérard Dubois, professeur de santé publique, Académie de médecine.
Irène Frachon, pneumologue, Brest.
Serge Hercberg, professeur de nutrition, université Paris-XIII.
Catherine Hill, épidémiologiste.
Albert Hirsch, professeur de pneumologie, université Paris-VII, administrateur de la LNCC.
Michel Reynaud, professeur de psychiatrie et d’addictologie, université Paris-XI, président du Fonds Actions Addictions.
Nicolas Simon, professeur de médecine Aix-Marseille Université, président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA)
ET
Camille Barrault, médecin des hôpitaux (hépatologie et addictologie), secrétaire de la Fédération des Pôles et Réseaux Hépatites
Laurent Bègue, membre senior de l’Institut universitaire de France, directeur de la Maison des Sciences de l’Homme Alpes (USR CNRS 3394/Université Grenoble Alpes)
Guylaine Benech, consultante formatrice en santé publique, vlogueuse.
Alain Braillon, praticien hospitalier, Amiens
Christophe Bureau, professeur d’hépato-gastroentérologie, Université Paul Sabatier Toulouse III, Secrétaire Général de l’Association Française pour l’Etude du Foie
Didier Courbet, professeur des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication et Psychologue, Université Aix Marseille
Pierre Dechelotte, professeur de Nutrition au CHU de Rouen
Karine Gallopel-Morvan, professeure des Universités (Marketing social) Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique / professeure honoraire à l’Université de Stirling
Marcel Goldberg, professeur émérite de santé publique, Université Paris Descartes
André Grimaldi, professeur émérite CHU Pitié Salpêtrière
Francis Guillemin professeur de santé publique, Université de Lorraine
Serge Karsenty, sociologue, Nantes
Pierre Lombrail, médecin des hôpitaux, membre du Haut Conseil pour la Santé Publique (HCSP) et du Conseil Scientifique de Santé Publique France.
Dominique Maraninchi, professeur de cancérologie à Aix Marseille Université, ancien président de l’Institut National du Cancer
Mickael Naassila, professeur de physiologie, président de la société française d’alcoologie
Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière
Philippe Ravaud, professeur de santé publique, Université Paris Descartes
Alain Rigaud, psychiatre honoraire, président d’honneur de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA)
Monique Romon, professeure de nutrition, CHU de Lille, Présidente de la Société Française de Nutrition
Emmanuel Rusch, professeur de santé publique, Université de Tours, Président de la Société française de santé publique
Stéphane Schneider, professeur de nutrition de l’Université Côte d’Azur, Nice
Daniel Thomas, professeur de cardiologie, président d’honneur de la Fédération Française de Cardiologie
Jean-Claude Tomczak, président de la CAMERUP (Coordination des Associations et Mouvements d’Entraide Reconnus d’Utilité publique) et de la FNAS (Fédération Nationale des Amis de la Santé).
Contact presse
Michel Reynaud F.A.A
michel.reynaud@actions-addictions.org