Consommation d'alcool et cancers : des liens sous-estimés

Alcool
Les cancers font partie des principales pathologies non transmissibles. En 2018, au sein de l’Union européenne, 18,1 millions de nouveaux cas auraient été diagnostiqués et 9,6 millions de personnes en seraient décédées. Environ 1 homme sur 5 et 1 femme sur 6 vont présenter un cancer au cours de leur vie, et environ 1 homme sur 8 et 1 femme sur 11 en décèdent. Les facteurs de risque de développer un cancer sont les mêmes que pour la plupart des autres pathologies non transmissibles ; à savoir le tabagisme, l’alcool, l’absence d’activité physique et la malnutrition. Agir sur ces facteurs de risque fait partie des principaux objectifs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à échéance de 2025. Cet article de J. Rehm et K Shield, publié en Janvier 2021 dans European Addiction Research, se focalise sur la consommation d’alcool comme un des principaux facteurs de risque de développement d’une pathologie cancéreuse.
  • Quels sont les principaux cancers causés par l’alcool ?
Il est établi depuis longtemps que les boissons alcoolisées peuvent favoriser le risque de cancer chez l’homme ; l’éthanol (alcool pur) est un pro-carcinogène que l’on trouve dans toutes les boissons alcoolisées, quelle que soit leur teneur en alcool et leur goût. Selon la définition du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), la dénomination de « pro-carcinogène » est attribuée aux substances qui se transforment en cancérigènes au cours de leur métabolisme. Les principaux cancers qui peuvent être favorisés par la consommation d’alcool sont le cancer de la cavité buccale et des lèvres, du pharynx (à l’exclusion du nasopharynx), du larynx, de l’œsophage, du côlon et du rectum, du foie, et du sein.
  • Quels types de liens existent-ils entre la consommation d’alcool et les différents types de cancer ?
Les auteurs rappellent tout d’abord que quel que soit le type de cancer, il n’existe aucun effet protecteur de la consommation d’alcool, y compris s’agissant des faibles consommations. Plus la quantité d’alcool consommée est importante, plus les risques de cancer augmentent. Concernant le potentiel effet protecteur de l’alcool pour certains cancers mis en évidence dans certaines publications, ces résultats pourraient être expliqués en partie par l’inclusion d’abstinents parmi les faibles consommateurs, alors que cette population comprend des anciens buveurs.  Or, les auteurs rappellent que les conséquences de la consommation d’alcool sur l’augmentation du risque de cancer apparaissent habituellement de façon différée, avec un délai de latence autour de 10 ans. Les auteurs rappellent également la difficulté à établir un seuil en dessous duquel la quantité d’alcool consommée pourrait être considérée comme sans risque au regard de l’augmentation du risque de cancer. Par exemple, même une faible consommation moyenne d’alcool autour d’une unité standard par jour a été associée à un risque sensiblement augmenté de cancer du sein.  
  • Combien de cancers seraient attribuables à l’alcool dans l’Union européenne (UE) ?
En 2016, environ 80 000 décès par cancer en Europe seraient attribuables à l’alcool. La consommation d’alcool constitue donc l’un des principaux facteurs de risque de cancer dans l’UE. Ainsi, les auteurs rappellent que seul le tabagisme constitue un facteur de risque de cancer plus important que l’alcool, alors que la co-dépendance la plus fréquente est celle de l’alcool avec le tabac.  
  • Quelles mesures politiques pourraient être prises ?
Bien qu’il soit scientifiquement établi que l’alcool est un pro-carcinogène et que sa consommation peut induire des pathologies cancéreuses, les auteurs constatent que l’opinion publique est encore insuffisamment sensibilisée à ces risques dans la plupart des pays européens. Même chez les personnes qui se disent conscientes que leur mode de vie peut influencer leur risque de développer un cancer, le plus souvent ils ne mentionnent pas spécifiquement l’alcool, mais plutôt la conviction que « tout peut causer le cancer ». Une façon de diffuser davantage ces messages de santé publique serait de recourir par exemple à des étiquettes mettant spécifiquement en garde contre les risques de cancer à apposer sur les boissons alcoolisées. Les auteurs suggèrent qu’un message d’information très simple tel que « la consommation d’alcool peut causer le cancer » pourrait être efficace. En outre, l’existence de relations dose-dépendantes entre le niveau de consommation d’alcool et les risques de cancer suggère l’intérêt d’une taxation plus importante et indexée sur le volume d’alcool pur contenu dans ces boissons alcoolisées, ainsi que de renforcer les mesures de restrictions de l’accès à l’alcool, telles que les restrictions horaires pour sa vente et sa publicité. Conclusion L’alcool est le principal pro-carcinogène identifié, après le tabac. Les principaux cancers qui peuvent être favorisés par la consommation d’alcool sont le cancer de la cavité buccale et des lèvres, du pharynx (à l’exclusion du nasopharynx), du larynx, de l’œsophage, du côlon et du rectum, du foie, et du sein. Pourtant, l’opinion publique reste encore insuffisamment sensibilisée à ces risques dans la plupart des pays européens. Ainsi les campagnes d’information et de prévention et les mesures de santé publique devraient se focaliser davantage sur les liens entre alcool et cancer. Léopold Cristofini, Lisa Ferrand, Guillaume Airagnes. Référence de l’article : Rehm J, Shield K. Alcohol Use and Cancer in the European Union. Eur Addict Res 2021;27:1–8.

Consulter en ligne